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Eustache Lenoble (1643-1711): Un Bilan
sur l'Astrologie à son déclin
(Avec des extraits de son Uranie, ou les Tableaux des Philosophes)
par Patrice Guinard


     Lenoble, d'après les indications qu'il donne sur son propre thème à divers endroits de son traité (Mars à 13 degrés du Sagittaire à la fin de la maison V, la Lune (sans parallaxe ?) à 23 degrés du Cancer à l'Ascendant, la pointe de la maison XII à 21 degrés des Gémeaux...), et comme il utilise probablement la domification Placidus, moins répandue que celle de Regiomontanus, mais plus commode (p.254), serait né à 17h45, le 26 décembre 1643 à Troyes (aucune heure n'est indiquée dans son acte de baptème à la page 162 du registre paroissial de Sainte-Madeleine de Troyes).[1]. Le biographe Philippe Hourcade ignore son jour de naissance, mais signale ses ancêtres : Marié à Perrette Michelin en 1668, il est le fils d'Eustache I Lenoble (1613-1688), président au bailliage de Troyes, et de Françoise Amiot (-1656) mariés en 1642, le petit-fils de Pierre II Lenoble (1574-1651) et de Simone de Mesgrigny mariés en 1612, l'arrière-petit-fils de l'écuyer Adam Lenoble et d'Etiennette Lamy mariés en 1571, et l'arrière-arrière-petit-fils de Pierre I Lenoble (-1590) et de Marguerite Le Marguenat (Hourcade, Entre Pic et Rétif, Eustache Le Noble (1643-1711), Paris, Aux Amateurs de Livres, 1990, p.37).


Thème natal d'Eustache Lenoble, rev. 2015

     Eustache Le Noble, baron de Saint-Georges et de Tennelière, historien, physicien et astrologue, a surtout été un dramaturge d'une certaine importance, et ses oeuvres complètes ont été rééditées à titre posthume, en 20 volumes à Paris en 1718, puis à La Haye en 1726. Il a connu une vie passionnée et agitée (adonné aux raffinements libertins, il dilapide sa fortune en quelques années ; incarcéré, il s'évade pour rejoindre une femme avant d'être repris quelques années après), a été mêlé à la politique (il est nommé procureur général au parlement de Metz), et meurt le le 31 janvier 1711 dans la misère.[2]

     Cet esprit éclectique a laissé deux textes astrologiques importants. La Dissertation chronologique et historique touchant l'année de la naissance de Jésus-Christ (Paris, 1693) reprend la théorie des Grandes Conjonctions énoncée par Kepler dans son traité De Stella nova (Prague, 1606). Ce thème a été largement débattu par les astrologues, depuis Abû Ma'shar jusqu'au récent ouvrage de Percy Seymour [3] , en passant par Albert le Grand, Guido Bonatti, Cecco d'Ascoli, Pierre d'Ailly, Luca Gaurico, Gerolamo Cardano, Kepler et d'autres.

     Son second ouvrage, l'Uranie, ou les Tableaux des philosophes (Paris, G. de Luynes, 1694-1697, 3 vol.; rééd. Paris, Pierre Ribou, 1718) est un traité ambitieux, de nature astro-philosophique : les livres I et II traitent de la philosophie grecque (présocratiques, Platon, Aristote, Épicure...), les livres III et IV de la philosophie moderne (essentiellement Gassendi, Descartes, Copernic et Tycho Brahe), le livre V des fondements de l'astrologie, et le livre VI des jugements astrologiques.

     Lenoble invite à partager sa vision critique de l'astrologie, dégagée des préjugés rationalistes comme des superstitions des esprits crédules. Si "cet Art ne peut jamais rien produire d'absolument certain" (p.127), il n'en résulte pas qu'il ne faille lui accorder aucune importance. L'impossibilité de produire des jugements prédictifs n'invalide pas le discours astrologique dans son ensemble. L'astrologie est une philosophie, et l'Uranie est précisément d'abord un abrégé de l'histoire de la philosophie, des Présocratiques à Kepler, astrologue-astronome.

     Mais une philosophie ignorante de l'astrologie, comme celle de Descartes, repose elle-même sur des assises bien fragiles. Le Cogito par exemple, qui marque la séparabilité des consciences, n'est qu'une des postures possibles de l'esprit humain, que le savoir astrologique a précisément pour dessein de faire comparaître avec d'autres.

     Lenoble reproche aux détracteurs de l'astrologie, penseurs, philosophes et théologiens, de confondre l'astrologie avec les pratiques abusives qui la dénaturent. Ce n'est pas parce que la littérature astrologique a produit un fatras d'affirmations superstitieuses et puériles, que l'astrologie en soi doive être écartée sans examen. Quant à la majorité des astrologues-consultants, ces "vendeurs de fumée" (p.301), ils semblent ignorer la véritable nature de l'astrologie.

     Ainsi l'enjeu de l'Uranie est de présenter une vision épurée de l'astrologie, à l'usage des intellectuels comme du grand public : "les prétendus esprits forts qui la blâment et la méprisent sans la connaître seront convaincus de leur erreur, et auront pour elle quelque indulgence (...) les âmes faibles qui par une aveugle crédulité se rendent les dupes des charlatans qui outrent cette connaissance, et qui en passent les limites pour entreprendre des prédictions qui n'ont aucun fondement physique, ne se laisseront plus si facilement abuser par les impostures présomptueuses des astrologues." (p.127)

     Au début du livre VI, Lenoble réfute les principaux arguments contre l'astrologie : inutilité des prédictions, divergences entre astrologues, argument des jumeaux, moment de conception, incertitude de l'heure de naissance et autres difficultés techniques, disproportion entre la limitation des qualités élémentales et la diversité de leurs effets sur les individus. Il tente de justifier par des principes physiques et "naturels", à l'instar de Ptolémée et de Kepler, la vraisemblance des structures astrologiques, par exemple l'attribution des qualités élémentales aux saisons et aux signes zodiacaux par des principes de nature climatologique, et ainsi d'adapter l'astrologie aux exigences de la rationalité de son temps.

     Lenoble souligne que l'origine des noms des constellations zodiacales est à rechercher dans les phases du cycle solaire journalier (V 8), mais il semble avoir quelque difficulté à accéder à une conception véritablement cyclique du zodiaque, ce qui le conduit à supposer (comme Al-Kindî) une influence de la lumière stellaire : "Quoi qu'il en soit, il faut concevoir que tous ces noms ne servent qu'à distinguer et désigner les constellations, et qu'ils n'ont aucune efficace ni rapport aux influences que la lumière de ces étoiles nous peut apporter." (p.161). Ainsi l'interprétation mythologique doit être abandonnée au profit d'une vraisemblance d'ordre physique.

     La source première des "influences" serait, pour Lenoble comme pour son aîné Placidus de Titis [4] , la lumière : "la lumière est l'unique canal de l'influence" (p.154), "nulle lumière, nulle influence" (p.208), "sans lumière il n'y a point d'influence." (p.233), "point d'influence sans lumière, et point de lumière sans corps" (p.258)...

     Malgré son effort de rationalisation et son souci d'assainir le corpus astrologique (rejet des Termes ou Fins, acceptés par Ptolémée (p.232) et de la Part de Fortune, une "chimère" (p.256), des noeuds lunaires, des inventions et "arabesques" des astrologues Arabes, des aspects keplériens...), Lenoble reste prisonnier finalement, en dépit de son engagement en faveur de la représentation copernicienne du système solaire (V 4), de la conception physique "aristotélicienne" qui est encore celle qui prévaut à la fin du XVIIème siècle.

     Ainsi tente-t-il de justifier les aspects (ici le trigone) par des considérations cycliques (chaque année la Lune progresse de 4 signes par rapport au Soleil et tous les 20 ans la conjonction Saturne-Jupiter progresse de 4 signes) et géométriques (trois trigones forment un triangle équilatéral) [5] , et les planètes et signes zodiacaux par des raisonnements d'ordre physico-météorologiques, à l'instar de Ptolémée et de Kepler. Cependant il reste conscient du relatif échec de cette approche, et semble admettre que ces considérations restent circonscrites par les limites de la connaissance physique de son époque. Contrairement à Kepler, il est persuadé de la validité du zodiaque, des maisons et même des domiciles. En ce qui concerne les signes, il écrit: "j'aime mieux croire que les anciens après de très-longues experiences ont reconnu dans quelques uns de ces signes quelque qualité dominante qui les a déterminés à cette division : ainsi quoi qu'à mon sens elle n'ait aucun fondement solide et naturel." (p.232)

     Les explications rationalistes de Ptolémée restent souvent spécieuses.[6]  L'approche de Kepler est extrêmement critique et sélective, et en abandonnant le Zodiaque et les Maisons, il semble bien, contrairement à la sentence du frontispice de son Tertius interveniens (1610), qu'il se soit débarrassé d'une partie de l'enfant avec "l'eau du bain". Le discours de Lenoble me semble plus juste. Les fondements physiques et naturels, maintes fois mis en avant dans son discours, ne serviraient tout au plus que de "raisons apparentes", du moins dans l'attente d'une physique qui soit susceptible d'entériner l'essentiel de la pensée astrologique, peut-être celle de l'astronome Percy Seymour.

     Le thème de Lenoble explique assez bien son ambivalence, à savoir son souci de purifier le discours astrologique (Saturne au MC et Soleil en Capricorne), tout en préservant l'intégralité d'un corpus vraisemblable (Lune à l'Ascendant), essentiellement ce que j'ai appelé les structures astrologiques, image de la matrice astrale.[7]  Car en astrologie, il n'y a pas comme en philosophie, d'origine, de centre, de foyer, visible ou caché, qui serait le point d'organisation des concepts et de développement du discours : tout est structure, tout commence et finit avec les structures. Le Zodiaque est une structure cyclique avant d'être une symbolique ; il opère comme archétype pour le psychisme et pour les découpages du réel qui en résultent. Les opérateurs astrologiques s'organisent dans des structures temporelles qui dépendent en amont du réel astronomique et génèrent en aval des significations et interprétations "métaphoriques". Lenoble l'a compris, même s'il n'a pas toujours su l'exprimer.
 

Notes

[1]  Il est fréquent à cette époque pour les auteurs de traités d'astrologie de laisser des indications parsemées dans leurs ouvrages, afin que le lecteur averti puisse retrouver leurs coordonnées de naissance. Il en va ainsi d'Antoine de Villon dans son traité L'usage des éphémérides (Paris, 1624) ou encore de Nicolas de Bourdin dans son commentaire du petit recueil pseudo-ptoléméen, Le Centilogue [sic] de Ptolomee ou la seconde partie de l'Uranie, (Paris, 1651). Une lecture attentive de ce texte permet d'en déduire que cet auteur est né le 1er novembre 1603, et non en 1583 (!) comme l'indique, dans sa réédition en fac-similé de cet ouvrage (Paris, Trédaniel, 1993), Jacques Halbronn, qui confond Nicolas avec un parent. « Texte

[2]  Sur Eustache Lenoble, cf. mon article, "Apogée de l'astrologie française à la fin du XVIIème siècle" (in Astralis, 19, Lyon, 1987) et aussi les "Recherches sur l'histoire de l'astrologie et du tarot", commentaire de Jacques Halbronn à sa réédition d'Etteilla, L'astrologie du Livre de Thot (Paris, Trédaniel, 1993, p.15-21). « Texte

[3]  Percy Seymour, The birth of Christ (Exploding the myth), London, Virgin, 1998. Cf. aussi Ornella Pompeo Faracovi, Gli oroscopi di Cristo, Venezia, Marsilio, 1999. « Texte

[4]  "La vertu influentielle des étoiles est la lumière." (Placidus de Titis, Primum mobile, traduction Claudine Besset-Lamoine, Paris, FDAF, 1998, p.2). « Texte

[5]  Uranie, ou les Tableaux des philosophes, 5.21, p.216. « Texte

[6]  Cf. notamment sa justification des Domiciles planétaires dans le Tetrabiblos : La Tétrabible ou Les quatre livres des jugements des astres, trad. Nicolas de Bourdin (1640) revue par René Alleau, Paris, Denoël / Culture, Arts, Loisirs, 1974, p.54-56 ; ou encore Le livre unique de l'astrologie, trad. Pascal Charvet, Paris, NiL, 2000, p.64-65. « Texte

[7]  Sur ces notions d'opérateur astrologique, de structure astrologique et de matrice astrale, cf. mon Manifeste, http://cura.free.fr/01manif.html  « Texte
 



 

Eustache Lenoble : Uranie, ou les Tableaux des philosophes (extr.)
 
 

N. Ed. : Référence de mon commentaire et des extraits choisis des livres V et VI de l'Uranie : Les Oeuvres de Mr Le Noble , Tome XVII, Paris, Pierre Ribou, 1718, p.125-345.

Transcription, d'après l'exemplaire Z 20670 de la BNF (pagination entre crochets), des chapitres 1, 8, 20, 21, 24 et 25 du livre V, et des chapitres 1, 2, 7 et 21 du livre VI par Véronique Lepage & Luc-André Rey, que je remercie chaleureusement.
Vérification du texte : Patrice Guinard.


 

[p.125]

LIVRE CINQUIEME.

CHAPITRE PREMIER.

Projet du cinquième Livre.

    Dans les quatre premiers Livre que j'ai donnez au public sous le nom d'Uranie, j'ai suffisamment expliqué tous les sentimens des Philosophes tant anciens que modernes.
    L'on a pû voir dans le premier tout ce que les neuf sectes des Anciens avoient eu de commun ou de different sur les trois parties ausquelles ils avoient réduit la Philosophie, qui sont la Logique, la Morale, & la Physique, dont la derniere comprenoit aussi la Métaphysique ; & dans le second, j'y ai raporté fort exactement toute la substance abregée des deux Philosophies de Gassendi & de Descartes, qui sur les principes de quelques [p.126] anciens ont voulu établir de nouveaux Systême de cette science.
    Je ne l'ai point traitée à la maniere de l'Ecole, parce que je ne me suis point propose de décider sur leurs opinions ; mais mon unique but a été d'ajoûter à mon Ecole du monde cette instruction, pour donner à un honnête homme qui est dans le commerce des personnes d'esprit, une teinture assez forte de toutes ces differentes Philosophies pour en pouvoir discourir, & pour prendre parti s'il veut s'en instruire plus profondément.
    Il ne me reste plus donc pour acomplir cet ouvrage, que de donner mon Traité de la science Céleste, que j'avois promis non seulement dans la fin de mon quatrième Livre, mais dans cette curieuse Dissertation que j'ai faite touchant l'Année de la naissance de Jesus Christ ; & je m'aquite de cette promesse dont les persecutions injustes que j'ai souffertes par l'iniquité des hommes, & par le crédit de mes ennemis, avoient suspendu l'execution. Ainsi je prétends dans ce cinq & sixième Livre renfermer tout ce qui peut concerner le Ciel, soit pour la science solide & indubitable de l'Astronomie fondée sur des principes certains, soit pour l'Art fautif & conjectural de l'Astrologie judiciaire fondée sur des convenances tirées de quelques experiences.
    C'est ce que je vais traiter dans les deux parties de ce Volume, dans la premiere desquelles j'établirai les principes de la science certaine de l'Astronomie sur lesquels on a bâti l'Art fautif & conjectural de l'Astrologie judiciaire ; & dans la seconde, j'établirai [p.127] les justes bornes qu'on doit prescrire à cet Art, qui ne peut jamais rien produire d'absolument certain, & qui par le mépris des ignorans qui en parlent & le blâment sans le connoître, ou par la hardiesse témeraire des charlatans qui par interêt le poussent à l'excès & en abusent, est devenu l'oprobre pour ainsi dire des sciences, & de telle maniere que ceux qui semblent y vouloir donner quelque aplication, passent ou pour des esprits foibles, ou pour des ridicules.
    J'espere donc que lors qu'on aura lû ce dernier Livre, ou plûtôt cette partie que j'ai réservée pour la derniere de la Philosophie, on sera suffisamment instruit de la véneration qui est duë à la science sublime de l'Astronomie, dont je ne prétends établir que les principes pour mettre un homme dans la voie de s'en instruire plus profondément dans les Livres des grands Maîtres ; & qu'à l'égard de l'Art conjectural de l'Astrologie les prétendus esprits forts qui la blâment & la méprisent sans la connoître seront convaincus de leur erreur, & auront pour elle quelque indulgence ; & qu'enfin les ames foibles qui par une aveugle crédulité se rendent les dupes des charlatans qui outrent cette connoissance, & qui en passent les limites pour entreprendre des prédictions qui n'ont aucun fondement Physique, ne se laisseront plus si facilement abuser par les impostures présomptueuses des Astrologues, & ne leur demanderont que ce qu'ils peuvent leur donner suivant les bornes dans lesquelles je prétends que leur art doit être renfermé. [p.128]
    En un mot, ils verront que selon mon sentiment on doit également blâmer & ceux qui donnent trop dans l'Astrologie judiciaire en lui atribuant plus qu'elle ne peut, & ceux qui n'y donnent rien du tout. Que ceux qui lui attribuent au delà de ses bornes sortent des principes de la Physique, mais que ceux qui ne lui veulent rien donner n'entrent point dans ses principes, & qu'enfin les uns & les autres, ou par défaut, ou par excès, choquent la nature, & souvent la raison ; & entre ces deux extrémitez vicieuses, je tâcherai de montrer la route qu'on peut tenir pour ne tomber ni dans l'une ni dans l'autre.

[p.157]

CHAPITRE VIII.

Des Constellations.

    Toute cette multitude de Soleils répandus dans les espaces immenses du Ciel, & que nous connoissons sous le nom d'Etoiles, furent l'objet de la contemplation des premiers Astronomes, qui pour aider leur connoissance & donner quelque ordre à ce qui leur paroissoit confus, joignirent ensemble celles qui se trouvoient proche les unes des autres, & de ces differens amas en composerent des constellations, ausquelles ils donnerent tel nom qu'il leur plüt.
    Il est à coire qu'ils commencerent par la division des douze constellations qui composent le zodiaque, & qu'ayant vû [p.158] que pendant l'année de la révolution du Soleil la Lune se joignoit douze fois à lui, & revenoit douze fois dans son plein, ces douze lunaisons qui à onze jours & huit heures près égaloient cette révolution solaire, les obligerent à partager en douze parties la ligne Equinoxiale, et cet espace qui de côté & d'autre s'étend jusqu'aux deux tropiques, & sert de route aux planetes.
    Cette division n'étoit point imaginaire, & ils y furent déterminez par une raison très solide ; non seulement à cause de ces douze stations de la Lune, mais parce que le Soleil en douze mois passant deux fois la ligne Equinoxiale, et puis s'écartant à droite & à gauche jusqu'aux deux points des tropiques, coupe & divise réellement l'année en quatre parties égales, qui font les quatre saisons ; & chaque saison ayant son commencement, son milieu & sa fin qui la subdivisent réellement en trois parties de differente température, on ne pouvoit pas imaginer une division plus naturelle du Ciel que de le partager en douze parties, dont trois seroient attribuées à chaque saison.
    Ce partage ainsi fait dans l'imagination des premiers hommes qui, comme on le voit par l'Ecriture sainte, n'habitoient la terre qu'en deçà de la ligne, ils ne pouvoient mieux commencer cette division que dans le point Equinoxial auquel le Soleil, dont ils suposoient le mouvemenet, leur paroissoit remonter vers eux : Ainsi de ce point jusqu'au tropique de la plus haute élévation du Soleil, ils composèrent trois [p.159] constellations ausquelles ils donnerent trois noms convenables à leur effet. La premiere fut donc nommée le Belier, non seulement parce que le Belier est pris pour le conducteur du troupeau, mais parce que le saut de cet animal leur paroissoit une emblême juste pour marquer que le Soleil sautoit la ligne pour venir à eux. La seconde fut nommée le Taureau, pour montrer l'augmentation des forces du Soleil, & cette même raison fit donner à la troisième le nom de Jumeaux, comme voulant dire que cette force du Soleil étoit encore redoublée dans ce signe.
    Mais du point du tropique divisant le zodiaque en trois autres constellations jusqu'au point de l'autre Equinoxe, ils leur donnerent les noms d'Ecrevisse, de Lion & de Vierge. La premiere, parce que le Soleil n'a pas plûtôt atteint ce point, qu'il commence à reculer en arriere. La seconde, parce que l'ardeur du Soleil est alors dans sa plus grande violence, & pour l'autre j'en conçois peu la raison, si ce n'est qu'ils ayent voulu marquer que la continence est alors plus necessaire qu'en tout autre tems.
    Les trois constellations suivantes commencerent au point de l'Equinoxe d'Automne, & eurent les noms de Balance, de Scorpion, & de Sagitaire. Le premier tiré indubitablement de l'égalité des jours & des nuits. Le second, à cause de la malignite de l'air & des maladies plus fréquentes dans cette saison qu'en toute autre ; & le dernier, pour montrer la fuite du Soleil tout prêt d'atteindre l'autre tropique. [p.160]
    Enfin ce tropique d'hyver jusqu'au point Equinoxial du Printems, eut son espace divisé en trois constellations, nommées le Capricorne, le Verseur d'eau & les Poissons. Le premier, parce que c'est un animal hideux & mélancolique ; Le second, à cause des pluyes fréquentes de cette saison ; & le troisième, pour les grands débordemens des eaux causées par les pluyes qui les ont précedées.
    Voilà de quelle maniere ils diviserent le zodiaque ; d'où l'on peut voir l'impertinence des Astrologues, d'attribuer à ces constellations des influences qui répondent à la nature des animaux dont on leur a donné le nom, puisque ces noms qui ne servent qu'à désigner les effets de l'aproche ou de l'éloignement du Soleil, ne conviennent pas mieux à ces constellations, & n'ont pas plus d'éficace, que les enseignes qu'on met par carprice aux maisons.
    Après que ces premiers Astronomes eurent avec beaucoup de raison & de jugement divisé ce zodiaque en douze parties, & chaque partie en trente degrez, pour en composer le nombre de 360, qui se raportât à peu près aux 365 jours & six heures que le Soleil paroît employer, ou que pour parler plus juste la terre employe à sa révolution, ils diviserent le reste du Ciel en constellations, qu'ils nommerent, soit par fantaisie, soit par des noms conformes à leurs figures, comme le triangle & la couronne, soit par leur nombre, soit enfin sur des effets dont ils croyoient avoir quelques experiences.
    C'est ainsi que les sept Etoiles qui [p.161] composent la grande ourse, & les sept qui font la petite, les obligerent à donner le nom de Septentrion à la partie du Ciel qu'ils occupent, & qu'ils les nommerent la grande & la petite Ourse ; comme si les quatre Etoiles qui font une figure quadrangulaire representoient ses quatre pieds, & les trois autres sa queuë, & qu'ils ont donné le nom de serpent à une traînée d'Etoiles qui serpente entre l'une & l'autre.
    Quoi qu'il en soit, il faut conçevoir que tous ces noms ne servent qu'à distinguer & désigner les constellations, & qu'ils n'ont aucune éficace ni raport aux influences que la lumiere de ces Etoiles nous peut aporter. Sur tout à l'égard des douze signes du zodiaque qui ne sont plus aujourd'hui comme ils étoient lors qu'on en a fait la division, puisque l'espace que nous apellons aujourd'hui le Belier, & qui commence au point de la coupure Equinoxiale du Printems jusqu'à trente degrez au delà, n'est plus sous les étoiles du Belier, mais sous celles des Poissons. Or ce n'est point ce lieu imaginaire nommé le Belier qui influë, mais ce sont les Etoiles elles mêmes, qui se trouvant en conjonction avec le Soleil ou les Planetes, leur unissent leur influence, ou qui se trouvant dans les points cardinaux d'une figure, répandent leur vertu à l'aide de leur lumiere, sur les corps disposez à la reçevoir. Ainsi la vertu de la constellation qui faisoit il y a deux mil ans les Poissons, est indubitablement passee au Belier, & celle du Belier au Taureau, puisque la vertu réside dans l'Etoile qui influë par sa lumiere, & que les Etoiles qui faisoient la [p.162] constellation d'un signe est passée dans un autre : Mais je réserve cette matiere pour en traiter dans son lieu.

[p.206]

CHAPITRE XX.

Des influences Celestes.

    Le commerce des corps celestes avec les sublunaires consiste dans le flux perpetuel des influences que les inférieurs reçoivent des supérieurs, & qui concourent à leur géneration, à leur entretien, & à leur destruction. J'en ai déja donné en quelques endroits une idée grossiere : mais comme il est de l'Astronôme de connoître en quoi consistent ces influences, & de l'Astrologue d'en pénetrer l'effet pour en tirer ses conjectures ; il est necessaire d'aprofondir cette connoissance avant que de passer de la science certaine de l'Astronomie à l'art incertain de l'Astrologie.
    L'influence est l'émanation d'une vertu secrette qui sort des corps celestes, & qui s'insinuant dans les corps sublunaires les détermine à de certaines qualitez qui leur sont [p.207]imprimées, & ces qualitez se réduisent aux combinaisons differentes du chaud, du froid, du sec & de l'humide, qui font les differens temperammens de tous les corps, n'y en ayant aucune autre à laquelle ce temperamment se puisse raporter.
    Selon les principes de la Physique nulle action ne se peut operer dans un sujet que par une vertu active ; autrement un effet se produiroit sans cause efficiente, ce qui seroit une absurdité. Mais comme la cause efficiente ne peut agir que par l'impression du mouvement, il est necessaire qu'elle touche le sujet, & ainsi lors qu'elle en est séparée comme le corps celeste l'est du corps sublunaire, il faut qu'ils se joignent par le moyen de quelque vertu instrumentelle qui les touche tous deux, & qui soit le canal de ce qui émane de l'un pour passer à l'autre ; par exemple la chaleur ne peut être portée d'un astre au corps humain que par le moyen d'un véhicule qui passe de l'un à l'autre.
    Or il ne peut y avoir d'autre canal de ces influences celestes que la lumiere ; & ainsi les planetes n'ayant point de lumiere ne peuvent en aucune maniere influer d'elles mêmes, & ne le font qu'à l'aide des rayons du Soleil qu'elles refléchissent.
    Pour comprendre donc tout le secret des influences celestes, il faut conçevoir qu'il n'y a que quatre qualitez primitives, dont les differentes modifications qui sont innombrables composent tous les differens temperammens, & que le Soleil, la Lune, & les autres Planetes selon leurs differentes familiaritez ou mêlanges font toutes ces differentes modifications. [p.208]
    Jusqu'ici qui que ce soit ne nous a bien expliqué de quelle maniere la chose s'opere, & c'est ce qui a jetté les Astrologues dans une infinité d'erreurs, & fait égarer les Arabes dans des divisions ridicules par l'etablissement de leurs parties chimériques, qui ne peuvent renvoyer aucune lumiere. Voici donc de quelle maniere se fait l'influence.
    Il faut poser pour principe cette maxime : nulle lumiere, nulle influence. Et sur ce fondement comprendre que la lumiere partant du corps du Soleil va fraper la terre en deux façons, ou de son rayon direct, ou de ses rayons refléchis sur les autres planetes ; que son rayon direct porte sur la terre son influence pure & sans aucune modification, laquelle consiste en une chaleur forte, & en très peu d'humidité ; & quant au rayon qu'il lance sur la planete, ce rayon s'y modifie non seulement suivant la nature de cette planete qui humecte, seche, échauffe ou refroidit l'influence ; mais encore suivant l'aspect ou la differente configuration qu'a le Soleil avec la planete. Et cette planete ayant reçû ce rayon en renvoye sur la terre une partie qui n'a que la qualité qu'elle lui a communiquée, & en rejete d'autres parties sur les autres planetes avec lesquelles elle est en aspect, & qui les ayant encore modifiées suivant leur propre nature, les refléchissent enfin sur la terre.
    Ceci se comprendra mieux par les exemples. Figurez-vous que le Soleil est à l'horison, que la Lune est au bas du Ciel, & Saturne au couchant. Le Soleil verse par un rayon direct une influence chaude & forte [p.209]sur le corps sublunaire ; mais son rayon chaud porté sur Saturne qui lui est opose est refroidi et desseché par cette planete, qui renvoye sur le corps sublunaire ce rayon d'autant plus empoisonné que sa configuration est maligne ; & en même tems un autre rayon du Soleil étant porté sur la Lune, elle l'humecte & le refroidit selon l'état auquel elle se trouve, & le refléchit malignement à cause qu'elle est en mauvaise
configuration ; mais outre cela comme la Lune & Saturne sont dans un aspect quadrat, ils se refléchissent l'un sur l'autre le rayon du Soleil déja envenimé & corrompu, & l'empoisonnent encore davantage en lui communiquant toutes leurs mauvaises qualitez. Et c'est par ce moyen que les mauvaises influences de Saturne & de la Lune se répandent sur le corps sublunaire.
    Si au contraire le Soleil est au milieu du Ciel joint à Venus dans son apogée, & que delà il regarde d'un trine Jupiter qui sera dans la seconde maison, le Soleil verse sur le corps sublunaire une puissante influence chaude par son rayon direct, il en verse encore une meilleure par son rayon refléchi sur le corps de Venus qui humecte & tempere agréablement sa chaleur, & encore une plus heureuse par son rayon refléchi sur la planete de Jupiter qui renvoie son influence après lui avoir donné un temperamment d'autant plus favorable qu'il est avec cet astre dans le meilleur de tous les regards. Et enfin par surcroît de bien-fait Venus & Jupiter étant dans une heureuse familiarité, & se renvoyant l'un à l'autre le rayon qu'ils ont déja rendu bénefique, [p.210] le temperent encore d'une maniere plus exquise, & c'est par ce moyen que decendent sur le corps sublunaire les influences de ces deux bénefiques dont la seule lumiere du Soleil est le canal.
    D'où il résulte que toute influence de quelque planete qu'elle vienne, n'est proprement que l'influence du Soleil modifiée heureusement ou malheureusement par les qualitez internes des planetes qui y mêlent leur chaleur, leur humidité, leur froideur ou leur secheresse, & que lors qu'on dit l'influence de Jupiter, il faut penser que c'est l'influence du Soleil temperée & bonifiée par les bonnes qualitez de Jupiter ; que l'influence de Saturne est l'influence du Soleil, empoisonnée par la malignité de Saturne, & ainsi du reste.
    En second lieu, que ce qui ne peut envoyer de lumiere n'envoye aucune influence ; & qu'ainsi la Lune éclipsée ou posée sous le Soleil, & Venus & Mercure dans leur périgée n'ont aucune force, & qu'ils ne nous renvoyent aucune influence tirée du Soleil lors qu'en passant sous lui, la face qu'il nous presente est sans aucune illumination.
    En troisiéme lieu, que les influences qui nous viennent par la lumiere refléchie des planetes sont plus fortes, ou plus foibles, pires, ou meilleures, suivant l'angle que le rayon du Soleil fait sur elles, & que c'est la source des bons ou mauvais aspects & des configurations fortes ou inutiles.
    Enfin, que comme les mêlanges de ces rayons se font d'une infinité de manieres, & de sorte que jamais il ne peut arriver un même mêlange quand le monde dureroit un [p.211] million de siecles ; de là vient qu'il n'y eut & que jamais il n'y aura au monde deux temperamens entierement égaux ; c'est d'où procede cette admirable diversite qu'on remarque non seulement dans les airs, dans la taille, mais [aussi] dans les visages de tous les hommes, & l'on peut aussi sur ce fondement juger de l'amitié ou de l'inimitié que causent entre les planetes leurs differentes qualitez, & qu'elles sont d'autant plus amies ou plus ennemies qu'elles sont plus ou moins sympatiques.
    Ainsi le Soleil qui est chaud, & qui veut une humidité moderée pour temperer son rayon, sympatise beaucoup avec Jupiter & Venus, un peu moins avec Mercure & la Lune, l'un ne pouvant communiquer d'humidité à son influence, & l'autre lui en communiquant quelquefois trop ; & enfin il s'accorde mal avec Mars & Saturne, l'un sechant & enflammant avec excès ses rayons, & l'autre les sechant & les refroidissant. La Lune très humide & médiocrement chaude sympatise beaucoup avec Jupiter, assez avec Venus, médiocrement avec Mercure, & nullement avec Saturne & Mars. Saturne par ses deux qualitez malignes ne sympatise pas avec une autre planete qu'avec Mercure, mais sur tout il est cruel ennemi de Venus. Pour Jupiter il a de la sympatie avec tous hors avec Saturne, mais Mars est ennemi terrible de la Lune, malin avec Mercure, donne de la violence à Venus & à Jupiter, & empoisonne la méchanceté de Saturne. Et pour Venus & Mercure ils sont susceptibles de sympathie et d'antipathie suivant leur mêlange avec les autres. [p.212]
    L'on ne peut douter de cette condorde ou discorde qui fait la merveilleuse harmonie des influences, aussi tôt que l'on conçoit que les qualitez peuvent recevoir atteinte, ou par le mêlange d'une contraire, ou par l'union d'une semblable qui la rend immoderée. Qu'ainsi l'influence chaude du Soleil est gâtée par le froid de Saturne & par la chaleur intemperée de Mars ; que l'influence de cet astre étant peu humide d'elle même est blessee par la secheresse de Mars, de Saturne , & de Mercure, & quelquefois par l'excessive humidité de la Lune ; & que deux planetes qui sont oposées par toutes les deux qualitez, comme Venus chaude & humide à Saturne froid & sec, & la Lune humide & presque froide à Mars chaud & sec, sont beaucoup plus ennemies que celles qui ne sont oposees que par une qualité, comme celles qui symbolisent dans toutes les deux sont plus amies que celles qui ne s'acordent qu'en une.
    C'est aussi par les differentes qualitez de ces influences que le sexe se détermine. Car comme il y a deux principes de géneration la chaleur & l'humidité ; la chaleur est la qualité active, & l'humidité est la passive. D'où l'on peut aisément connoître le sexe des planetes ; non pas que je prétende imaginer ou dire qu'elles ayent en elles mêmes aucun sexe, ce seroit une folie de le croire, mais le sexe leur est atribué comme la santé à la medecine, parce que leurs influences ont une vertu qui concourt à la formation de l'un ou de l'autre dans les sujets passibles, en sorte que l'influence a plus de chaleur ou plus d'humidité, la [p.213] qualité prédominante détermine le sexe.
    Ainsi le Soleil qui excelle par dessus tous en chaleur est masculin par influence, & la Lune qui passe toutes les autres en humidité est feminine. Jupiter qui est plus chaud qu'humide coopere à la generation masculine, & Venus qui est plus humide que chaude concourt à la production féminine. Saturne dont le froid surpasse la secheresse est censé mâle, au lieu que Mars qui est encore plus sec que chaud tire au sexe féminin ; & Mercure qui possede une égale médiocrité de chaleur & de secheresse est indifferent à tous les deux sexes, & y concourt suivant qu'il y est déterminé par le mêlange des autres.
    Voilà ce que c'est que l'influence. Voilà la maniere dont elle passe du corps celeste au sublunaire, quelles sont ses quatre qualitez primitives, les mêlanges qui en font les alterations, & enfin comment elles operent differemment pour la production des deux sexes communs à toutes les especes, & déterminez dans les individus.
    Mais comme la force ou la foiblesse de l'influence dépend de deux choses, dont l'une est la configuration des planetes entr'elles, & l'autre est le lieu qu'elles occupent, il est necessaire d'examiner encore ces deux choses comme préliminaires à l'art judiciaire.

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CHAPITRE XXI.

Des aspects ou configurations des Planetes.

    Par les choses que j'ai dites pour expliquer de quelle façon les planetes nous communiquent leurs influences, l'on a pu voir qu'elles ne les modifient ou ne les alterent que par les mêlanges differens qu'elles font des rayons du Soleil qu'elles se renvoyent les unes aux autres, & qui font des angles differens suivant qu'elles sont configurées les unes au regard des autres, c'est-à-dire suivant ou leurs conjonctions ou leurs éloignemens.
    Les Astronômes ont donné à ces différentes configurations le nom d'aspect ou de familiarité, mais quoi que les astres ne cessent point d'agir, leurs commixtions ne font des effets sensibles que dans le point de leurs aspects ou de leur familiaritez, qu'on peut déterminer, le concours proportionnel de plusieurs lumieres unies dans un point pour donner conjointement le mouvement au sujet passible.
    Les Astrologues ont établi plusieurs points d'aspects dans lesquels ils prétendent que ce concours des lumieres peut produire un effet sensible ; & le fondement qu'ils ont pris pour les établir a été qu'après avoir divisé le Ciel en douze parties, & chaque partie en trente degrez, comme je l'ay dit cy-dessus, ils ont examiné en combien de manieres ce cercle compose de douze signes pouvoit se diviser en [p.215] parties égales, en sorte que le point de cette division pût faire avec un autre point un angle qui eût de la force ; & sur ce principe Ptolomée suivant les traces de ceux qui l'avoient devancé, a reconnu seulement six familiaritez entre les corps celestes ; la conjonction qui les unit, l'oposition qui coupe le cercle en deux parties égales, lors que deux planetes sont éloignées de six signes, ou de cent quatre-vingt degrez. Le trine qui les éloigne de quatre signes, ou de six-vingt degrez, & qui coupe le cercle en trois parties égales ; le quadrat qui les éloigne de trois signes, ou de quatre-vingt-dix degrez, & qui coupe le cercle en quatre ; & le sextil qui le coupe en six en les éloignant de deux signes, c'est-à-dire, de soixante degrez ; & enfin l'antisce qui est quand deux corps celestes posez sur la même ligne apellée cercle de position, tracent une ligne paralelle, c'est-à-dire également éloignée du point Equinoctial, soit qu'ils soient tous deux posez du même côté, soit qu'ils soient dans les deux parties oposees, & cette configuration a le même pouvoir que la conjonction.
    Ptolomée a donc prétendu qu'il n'y avoit que ces configurations qui fussent capables d'opérer des effets sensibles ; d'autres ont voulu y ajoûter l'octile de quarante-cinq degrez qui coupe le cercle en huit parties égales, & le dodécile de trente degrez qui le coupe en douze : mais les anciens les avoient rejettez avec raison, parce que ces éloignemens ne sont pas capables de former des angles assez forts, le rayon ne faisant que glisser sur le corps de la planete sans [p.216] presque réflechir sur la terre. Képler par une invention très-ingénieuse a voulu aussi accommoder les aspects aux consonances harmoniques, & après avoir aprouvé les six de Ptolomée il a cru qu'on devoit y ajoûter le sesquiquadrat de cent trente cinq degrez qui ne coupe point le cercle en parties égales, & le quintile & biquintile, l'un de soixante douze, & l'autre de cent quarante-quatre degrez ; mais nulle experience n'a favorisé son invention. Il faut donc s'en tenir au sentiment de Ptolomée, & ne reconnoître pour véritables configurations & capables de causer un effet puissant, que ces six familiaritez : La conjonction, l'oposition, le trine, le quadrat, le sextil, & l'antisce, qui ont un fondement réel, & que tant d'experiences nous ont confirmées.
    On ne peut douter que la conjonction & l'oposition ne soient éficaces. Pour le trine deux choses l'ont indiqué, l'une c'est que la Lune au bout de chaque révolution annuelle se trouve à quatre signes du Soleil, car si le Soleil entrant au point du Belier est en conjonction avec la Lune, lors que l'année suivante il rentrera dans ce même signe du Belier, la Lune se trouvera dans le Lion ; & l'autre c'est que les conjonctions des deux planetes superieures se font tous les vingt ans de quatre signes en quatre signes ; mais la principale raison, c'est parce que le rayon forme alors l'angle le plus naturel qui est celui du triangle équilateral, qui de toutes les figures angulaires est la plus simple. Pour le quadrat il est réellement marqué dans le Ciel par les quatre points cardinaux des deux tropiques & des deux équinoxes, & [p.217] le sextil qui est le plus foible de tous les aspects est la moitié du trine, & va de deux signes en deux signes formant un angle assez fort pour réflechir les rayons ; au lieu que l'octile & le dodécile par la foiblesse de leurs angles trop obtus ne peuvent renvoyer le rayon. Et quant au quintile, biquintile & sesquiquadrat, comme nulle experience & nulle raison ne nous oblige à les admettre, puisqu'ils n'ont aucune relation ni aux points cardinaux ni au triangle, nous les rejettons.
    Dans ces configurations l'on a remarqué par des expériences continuelles, apuyées de raisons solides, que la conjonction se détermine bonne ou mauvaise suivant la nature des planètes jointes ; que l'oposition est toûjours mauvaise, mais beaucoup plus des maléfiques que des bénéfiques ; que le quadrat a un peu moins de malignité que l'oposition, que cependant celui des maléfiques est toûjours mauvais, & que celui des bénéfiques leur fait perdre beaucoup de leur bonté ; que le trine est toûjours bon, que celui des bénéfiques est excellent, & que celui des maléfiques non seulement apaise leur malignité, mais les rend quelquefois bons, & qu'enfin le sextil est de même nature que le trine, mais moins fort & moins bon.
    Les raisons de tout ce que je viens de marquer sont solides ; car à l'égard de la conjonction, quelqu'un peut-il douter qu'une bonne ou mauvaise chose unie à une autre ne redouble ou sa bonté ou sa malignité, & ne lui communique sa nature ; pour l'oposition on voit sensiblement [p.218] que deux parties du Ciel oposées ont des qualitez toutes contraires, comme les tropiques ou les points équinoxiaux ; & comme la force de la réfraction est d'autant plus grande que la réflexion s'en fait par un angle plus aigu, & que dans l'oposition les rayons se réflechissent par un angle tres aigu, on ne peut douter qu'elle ne soit la plus forte & par sa nature la plus maligne de toutes les configurations, outre qu'elle frape de plus près, puisque suivant les principes de Geométrie plus l'angle est aigu, plus la ligne qui lui est oposée est courte ; & comme le quadrat est la moitié de l'oposition il participe par homogénie à sa malignité en formant un angle droit sur le sujet passible. Mais le trine a une qualité tres bénéfique non seulement parce qu'il se fait dans des signes de nature & de qualitez qui ont de la corespondance & de la sympathie, mais par la simplicité de la figure du triangle qui est le veritable symbole de la plus étroite union, l'amour suposant toûjours trois termes, le sujet aimant, le sujet aimé, & le lien qui les unit ; & comme le sextil est la moitié du trine il participe à sa bonté, comme le quadrat participe à la malignité de l'oposition : mais il est moins fort que le trine parce que l'angle de l'exagone étant le double de celui du triangle équilatéral, la réflexion du rayon s'y fait avec beaucoup moins de force ; & quant à l'antisce ou paralelle il prend la nature de la conjonction, soit qu'il se fasse sur un même cercle, ou sur un cercle oposé.
    Par cette division des aspects, il est aisé [p.219] de juger de la force ou de la foiblesse de toutes les configurations : mais il faut remarquer que chaque planete a suivant l'extension de sa lumiere une extension de vertu & de puissance qui ne se resserre pas dans le degre précis qu'elle occupe, mais dans quelques degrez voisins, en sorte que quoi que l'aspect soit plus robuste lors qu'il se fait précisement de degré en degré, neanmoins il a de la force sur tous les degrez voisins où s'étend la vertu de la planéte suivant l'extension de sa lumiere : & l'on a remarqué que le Soleil étendoit cette vertu jusqu'à 15. degrez devant & aprés lui, la Lune a quelques degrez moins, Venus moins que la Lune, Jupiter presqu'autant que Venus, Mars & Saturne également, & Mercure moins que tous les autres. Ainsi quand la configuration se fait dans les bornes de cette extension de vertu, elle opere, mais plus elle est précise, plus elle est forte.
    Or les corps celestes ont tous les aspects de deux manieres, ou par raport aux signes & aux degrez du zodiaque, & c'est l'aspect qu'ils ont entre eux dans le Ciel & que Ptolomée apelle Erga se ; où il se fait par raport aux cercles qu'ils traçent, & à la position dans laquelle ils sont à l'égard du monde, & c'est ce que cet Astronôme apelle Erga terram ; ainsi deux planetes peuvent former par exemple un quadrat dans le zodiaque, l'une étant au premier degré du Belier, & l'autre du premier de l'Ecrevisse ; ou un quadrat à l'égard de la terre, comme quand l'une est au milieu du Ciel, & l'autre à l'ascendant, quoi qu'il y ait entre eux plus ou moins de 90. degrez de [p.220] distance en la prenant dans le zodiaque.
    Cet aspect dans le zodiaque se fait par le mouvement local des planetes qui arrivent à tel & tel degré ; mais leur aspect à l'égard du monde se fait par le raport qu'elles ont à la terre suivant la division des arcs diurnes &
nocturnes, ce qui est fort aisé à comprendre.
    Par exemple dans l'obliquité de la sphère où le plus grand cercle diurne est de seize heures & le plus petit de huit, la moitié de ces huit ou seize heures se partageant en trois maisons, chaque maison de trente degrez aura deux heures & 40. minutes dans le grand cercle, & n'aura qu'une heure & vingt minutes dans le petit, en sorte que dans le grand cercle un quadrat de trois maisons qui font quarte-vingt dix degrez pour la terre aura dans le zodiaque huit heures qui font quatre signes ou 120. degrez, & par conséquent les deux planetes qui se trouveroient, l'une au milieu du Ciel, & l'autre à l'ascendant seroient dans un trine du zodiaque, & dans un quadrat à l'égard de la terre, & au contraire dans le petit cercle les trois maisons n'ayant que quatre heures qui ne font que deux signes ou soixante degrez dans le zodiaque, ces deux planetes situées l'une au milieu du Ciel & l'autre à l'ascendant, seroient en quadrat à l'égard de la terre, & ne seroient qu'en sextil dans le zodiaque.
    Les planetes n'ont donc entr'elles que ces deux sortes de configurations, ou dans le zodiaque de signe en signe, ou par les cercles de position à l'égard de la terre, & toutes les autres manieres que d'autres Astrologues [p.221] ont imaginées ne sont d'aucun effet ni fondées en aucune raison physique confirmées par experiences.

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CHAPITRE XXIV.

Des qualitez des Signes.

    Les Astrologues ne se sont pas contentez de distibuer aux douze maisons du Ciel ces dominations differentes sur tout ce qui regarde la vie des hommes, mais ils ont donné aux sept planetes de differens empires sur les douze signes du zodiaque. C'est ce que nous avons presentement à examiner. Mais avant que d'expliquer cette distribution, il est necessaire de sçavoir quelle nature ils ont atribué à chaque signe par raport aux élémens.
    Chacun de nos élémens a deux des quatre qualitez primitives, le feu a une chaleur séche, l'air une humidité chaude, l'eau une [p.231] froideur humide, & la terre une sécheresse froide ; en sorte qu'ils répondent aux quatre saisons telles que nous les avons expliquées. Et comme une saison change insensiblement par l'anéantissement d'une des qualitez, aussi un élément se change de la même maniere en un autre.
    Cette difference des élémens les a portez à dire que chaque signe avoit raport à quelqu'un ; & la chaleur seche que nous ressentons quand le Soleil est dans le Lion, les a obligez d'atribuer à ce signe la qualité du feu ; à la Vierge qui le suit la qualité seche de la terre ; à la Balance celle de l'air humide ; & au Scorpion celle de l'eau froide.
    Ce sentiment peut avoir son raport avec la saison à nôtre égard, puisque si nôtre plus grande chaleur commence quand le Soleil entre au Lion, la plus grande secheresse est tandis qu'il court la Vierge ; les humiditez viennent sous la Balance, & enfin le froid commence à se faire sentir sous le Scorpion.
    Mais ils ne s'en sont pas tenus à ces quatre signes ; & atribuant dans le même ordre les quatre mêmes combinaisons de qualitez à tous ceux qui se regardent de trine, ils en ont formé les quatre triplicitez, celle du feu composée du Lion, du Sagitaire, & du Belier ; celle de la terre qui comprend la Vierge, le Capricorne, & le Taureau ; celle de l'air qui réünit la Balance, le Verseur d'eau, & les Jumeaux ; & celle de l'eau qui est formée du Scorpion, des Poissons, & de l'Ecrevisse.
    Ils ont crû même trouver du raport entre les triplicitez & les quatre humeurs du corps de l'homme ; en sorte que celle du feu [p.232] répond au sang, celle de la terre à la mélancolie, celle de l'air à la bile, & celle de l'eau à la pituite.
    Mais quelque specieux que ces raisonnemens paroissent à leur esprit, ils ne m'ont jamais semblé avoir aucun fondement bien réel, & moins encore ceux que d'autres veulent tirer de l'homogénie prétenduë de ces signes avec quelques-uns des animaux qui leur ont prêté leurs noms.
    Cependant comme il ne faut pas legerement rejetter ce qui est établi de si longue main je n'entreprendrai point de détruire ce qui paroît une pure chimere aux ennemis de cet art, & j'aime mieux croire que les anciens après de très-longues experiences ont reconnu dans quelques-uns de ces signes quelque qualité dominante qui les a déterminez à cette division : ainsi quoi qu'à mon sens elle n'ait aucun fondement solide & naturel, comme elle n'a rien aussi qui répugne à un principe de la Physique je n'improuve point que l'Astrologue suive en cela le sentiment que Ptolomée en a eu après les anciens.
    Mais quant aux divisions de chaque signe en certaines parties coupées que cet Astronome sur le raport des Egyptiens attribuë à certaines planetes sous le nom de Termes ou de Fins il n'y eût jamais une chimere plus impertinente ni plus indigne d'être proposée par un homme qui comme lui prétend fonder tout ce qu'il dit sur des raisonnemens naturels. Et pour moi j'avouë que plus j'en ai voulu faire l'examen & l'aplication sur toutes sortes d'incidens, plus j'ai trouvé ces prétenduës Fins une vision aussi frivole que ridicule. [p.233]
    Et en effet demandez à Ptolomée où il prétend que réside la vertu de ces Fins. S'il dit que c'est dans les étoiles qui composent le signe, ces étoiles depuis son temps ont changé de plus de 25. degrez par la précession des équinoxes, & ainsi tout son raisonnement seroit renversé. S'il dit que c'est dans l'espace vide du Ciel renfermé dans les degrez du signe par lui désignez et sans aplication aux étoiles, il attribuëroit une vertu influante à un lieu vide & sans lumiere, ce qui est contre le vrai principe de la Philosophie celeste, que Sans lumiere il n'y a point d'influence.
    On trouve encore dans son quadripartit d'autres divisions de ces signes dont une seule me paroît physique & naturelle, qui est quand il les partage en signes mobiles ou cardinaux dans lequels aux deux points des tropiques & des équinoxes se font les changemens des saisons ; en signes fixes qui sont au milieu de la saison & semblent proprement la fixer, & en signes doubles, qui sont les derniers de chaque saison, & dans lesquels elle se trouve au comble de sa qualité dominante.
    Mais quand il veut que tous ces signes soient alternativement masculins & feminins, que les uns soient muets, les autres mutilez, les uns stériles, & les autres féconds par de fades raports à la nature ou au nom de l'animal que la phantaisie des hommes a pendu pour enseigne à une maison, comme quand Junctin dit qu'un homme est muet parce qu'il a Mercure & la Lune dans les Poissons qui sont muets, en verité il faut avoir une foiblesse
d'esprit terrible pour donner dans de pareilles puerilitez. [p.234]
    Rejettez-donc toutes ces divisions qui n'ont aucun fondement naturel, non plus que ces imaginaires dominations de certains signes sur certaines contrées, ou certaines villes ; ce sont visions creüses, tout le Ciel domine sur toute la terre, & si quelqu'étoile a quelque force particuliere sur une contrée, c'est lorsqu'elle lui est verticale, car alors comme toute influence selon mon principe se porte par la lumiere, plus cette lumiere frape à plomb & plus elle a de force, par la même raison que les étoiles de l'autre pôle qui ne se lèvent jamais pour nous, ne nous influent rien.

CHAPITRE XXV.

De la domination de planetes sur les signes du zodiaque.

    Après que les Astrologues eurent divisé les signes du zodiaque en trois signes de feu, trois de terre, trois d'air, & trois d'eau, c'est-à-dire, en leur attribuant les qualitez de ces élémens, ils ont crû que les planetes avoient quelque domination particuliere sur certains signes, ou du moins qu'ils étoient plus sympatiques avec les uns qu'avec les autres; ce qui les obligea à leur assigner à chacun des domiciles propres, & voici de quelle maniere ils ont fait le partage de leur empire.
    Comme le Soleil est indubitablement le plus chaud de tous les corps celestes, & la source même de toute la chaleur, ils lui ont [p.235] donné son empire dans le signe qu'il occupe à nôtre égard dans le tems le plus chaud, c'est à dire dans le Lion. Et comme la Lune est la plus humide de toutes les planetes, & celle même qui gouverne toute l'humidité des corps sublunaires, ils lui ont attribué la domination sur le signe d'eau le plus voisin du Lion, c'est-à-dire sur l'Ecrevisse, & n'ont donné de maison particuliere à ces deux luminaires que sur un seul signe. Quant à la distribution du reste, comme Mercure est la planete qui tourne le plus près du Soleil, ils lui ont assigné sa domination sur les deux signes les plus proches des deux maisons des luminaires ; & ainsi les Jumeaux & la Vierge lui sont échus pour son lot ; Vénus par la même raison a eu les deux suivans qui sont le Taureau et la Balance ; Mars plus éloigné du Soleil que Vénus, a eu le Belier & le Scorpion ; Jupiter venant à son tour a eu le Sagitaire et les Poissons : & enfin Saturne le plus éloigné de tous a eu pour son partage les deux signes oposez au deux luminaires.
    Quoi que cette distribution ne soit qu'une ingénieuse invention de l'esprit de l'homme sans aucun fondement réel, on peut cependant y trouver des choses fort convenantes à la nature de toutes les planetes, dont la premiere est que Mercure indiférent joint les deux luminaires, que Vénus la moindre des deux bénefiques est sextile au Soleil & à la Lune, que Mars le moindre maléfique les regarde de quadrat, que Jupiter grand bénefique les voit d'un trine, & que Saturne le grand maléfique se trouve dans leur oposition. [p.236]
    Ils ont outre cela voulu que chaque planete fût exaltée dans un signe qu'ils ont imaginé propre à sa nature. Le Soleil dans le Bélier, qui à leur sens est un signe de feu & dans lequel il entre lors qu'il revient à nous ; la Lune dans le Taureau voisin du Bélier, où elle est en sextil de son domicile propre, & dans le domicile de Vénus avec laquelle elle sympathise. Ils ont ensuite donné à Mercure extrêmement sec son exaltation dans la Vierge signe sec & voisin du domicile du Soleil, & à Vénus en qui l'humidité prévaut, ils ont assigné les Poissons signe humide, domicile de Jupiter, & sextil à sa maison propre. Pour Mars trés-sec ils le font exalté dans le Capricorne signe sec & maison d'un maléfique, & Jupiter chaud & humide dans l'Ecrevisse qui est en trine de sa propre maison ; & enfin Saturne très-froid à son exaltation dans le Verseur d'eau signe oposé à la maison du Soleil qui est la source de la chaleur.
    Mais comme le mal est oposé au bien, on a voulu que les maisons oposées à leurs domiciles ou à leurs exaltations fussent appellées leur chute & leur décadence. Et sur ce plan l'on prétend que les planetes augmentent leur force dans leurs domiciles & dans leurs exaltations, & qu'elles s'affoiblissent dans les maisons de leur décadence & de leurs chutes.
    Ainsi le Soleil a pour maison le Lion, pour exaltation le Bélier, pour décadence le Verseur d'eau, & pour chute la Balance.
    La Lune a pour maison l'Ecrevisse, pour exaltation le Taureau, pour décadence [p.237] le Capricorne, & pour chute le Scorpion.
    Mercure a pour domicile les Jumeaux, pour exaltation la Vierge, pour décadence le Sagittaire, pour chute les Poissons.
    Vénus a pour maisons la Balance & le Taureau, pour exaltation les Poissons, pour décadence le Bélier & le Scorpion, & pour chute la Vierge.
    Mars a pour maisons le Bélier & le Scorpion, pour exaltation le Capricorne, pour décadence la Balance & le Taureau, & pour chute l'Ecrevisse.
    Jupiter a pour domicile le Sagittaire & les Poissons, pour exaltation l'Ecrevisse, pour décadence les Jumeaux & la Vierge, & pour chute le Capricorne.
    Et Saturne a pour maison le Capricorne, pour exaltation le Verseur d'eau, pour décadence l'Ecrevisse, & pour chute le Lion.
    Ptolomée avec toute sa Philosophie, auroit eu peine à établir sur des raisons convaincantes la certitude de ces empires ; cependant il en faut dire de même que j'ai déjà dit touchant l'imagination des triplicitez, qu'il n'y a aucune raison physique qui puisse prouver que la chose soit comme on l'a dit, mais que n'y ayant rien aussi qui répugne aux principes naturels, & la chose étant établie depuis long-tems sur des expériences qui ont servi à des aphorismes dont on voit souvent l'éfet, on ne doit pas légerement s'en départir.
    Car de s'imaginer que dans un art conjectural, & qui ne s'est établi que sur des expériences dont souvent les causes sont cachées [p.238] dans le sein profond de la nature, on ne doive reconnoître aucune régle que celles dont on aura une preuve & une certitude matématique, ce seroit vouloir exiger d'un art fautif plus que l'on n'exigeroit d'une vraye science.
    Il sufit donc que trois choses se rencontrent dans les régles dont on se sert pour l'Astrologie. L'une qu'elles ne choquent point les principes naturels, la seconde qu'on y trouve des convenances physiques qui servent du moins de raisons aparentes, & la troisième que de grandes expériences la confirment. Tout ce qui aura ces trois caracteres ne peut être raisonnablement rejetté : or ces dominations des planetes sur ces signes ne répugnent point aux principes naturels, on en aporte des raisons de convenance, & l'expérience les confirme tous les jours : il n'est donc pas plus raisonnable de les rejetter par caprice, que de vouloir comme Morin les donner pour des choses d'une certitude incontestable.

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LIVRE SIXIEME.

CHAPITRE PREMIER.

Ce qu'on objecte contre les jugemens Astrologiques.

    Après avoir donné une idée de ce qui peut être l'objet de la Théorie Astronomique, il faut à present décendre dans l'aplication que l'Astrologue en peut faire pour tirer ses conjectures, & former ses jugemens.
    La plûpart de ceux qui se sont mêlez de cet art, l'ont gâté en quittant les principes naturels pour prédire plus que l'on ne peut aprendre de ses astres ; & l'excès auquel ils ont voulu porter leurs prédictions les a fait tomber dans tant d'erreurs, que l'art a été méprisé par la faute de l'Artisan.
    L'on a vû parce que j'ai dit dans le Livre précedent, la qualité des corps celestes, ce que c'est que leur influence, la maniere dont elle est portée sur les corps sublunaires, la division du Zodiaque, la qualité des douze signes qui le composent, les dominations des planetes sur ces signes, le partage de la figure en douze maisons, la force differente de ces maisons, leurs atributs particuliers, & le nombre, & la qualité des aspects ; & c'est à quoi il me semble que peuvent se réduire tous les préliminaires de l'Astrologie, les jugemens n'étant fondez [p.242] que sur l'effet de toutes ces choses examinées dans leurs differentes circonstances & modifications.
    Il faut maintenant faire voir de quelle maniere l'on peut tirer des situations, & des configurations differentes de tous ces corps celestes, quelque chose de sûr pour l'avenir.
    Ceux qui méprisent cet art, ont coûtume d'objecter six choses. La premiere, que si les accidens doivent arriver, il est inutile de les prédire, puisqu'ils ne peuvent être évitez. La seconde, qu'on voit tomber les Astrologues dans des erreurs si continuelles, qu'on ne doit prendre aucune créance en tout ce qu'ils disent. La troisiéme, que deux personnes qui naissent dans le même moment ont des fortunes toutes differentes. La quatriéme, que la vie de l'enfant commence au moment de sa conception, & non pas au point de sa naissance. La cinquiéme, qu'il est presqu'impossible d'avoir sûrement ce point de nativité. Et la sixiéme, plus forte que toutes les autres, c'est que les influences des corps celestes étant renfermées aux quatre qualitez primitives, il n'est pas concevable comment par plus de chaleur ou plus de froidure, plus de secheresse ou plus d'humidité ces influences peuvent déterminer la fortune de l'homme, qui n'a aucun raport à ces qualitez matérielles.
    Pour répondre par ordre à ces objections, je dis sur la premiere, qu'il ne faut pas s'imaginer que les influences des corps supérieurs agissent sur les hommes d'une puissance si absoluë, & par un ordre divin [p.243] tellement inviolable, que rien ne soit capable d'en arrêter ou détourner les effets.
    Le mouvement des corps celestes est à la verité perpétuel, égal, & suit invariablement la Loi que Dieu lui a prescrite ; mais les corps inférieurs sont sujets à une infinité de changemens ; & quoi que les influences partent, & procedent de ces causes superieures, qui agissent avec necessité & sans varier, elles sont reçûës dans des corps changeans ; & ainsi le corps variable assujetit au changement l'influence, qui d'elle-même est invariable.
    Je dis donc que l'homme peut détourner les effets prévûs de ces influences, comme Socrate triompha par sa résolution de tout ce qu'auroient pû lui produire de mal les fortes inclinations qui le poussoient au vice.
    Bien loin donc que les prévisions de cet art soient inutiles, on peut au contraire en tirer quatre utilitez très-considérables : La premiere, c'est de connoître les temperammens, pour prévenir les maladies, & les détourner : La seconde, de connoître les mauvaises inclinations pour les coriger, & à quelle science on peut plus aisément réüssir pour s'y attacher : La troisiéme est de tenir son esprit préparé aux malheurs dont les mauvaises influences nous menacent, afin de les porter avec plus de patience, & plus de fermeté ; mais la principale est de reconnoître la toute puissance de Dieu dans ses ouvrages, adorer sa sagesse, & imiter cette obéïssance parfaite avec laquelle les astres suivent inviolablement le cours que Dieu leur a prescrit. [p.244]
    Quant aux erreurs des Astrologues, je conviens qu'elles sont infinies. Mais parce que des Statuaires ignorans estropiront une statuë, faut-il abolir la sculpture, parce que des Medecins témeraires turont des malades détruira-t on la Medecine ? Pourquoi rejeter sur l'art la faute de l'ouvrier, & faut-il blâmer une science, parce que ceux qui la veulent exercer sans capacité en abusent.
    Pour ce qu'ils disent, que deux enfans nez dans le même moment auront une fortune differente, c'est une objection contraire à l'experience ; & bien loin que la chose soit comme ils le suposent, je soûtiens, au contraire, que si l'on trouvoit deux enfans nez dans le même moment, sous le même méridien, & même élevation de pole, ils auroient par proportion la même fortune. Je dis par proportion & par raport à leur état ; car il ne faut pas s'imaginer que parce que le fils d'un Bourgeois naîtra dans le même moment que le fils d'un Prince, ils auront la même fortune en invidu. Tout ce qui se reçoit, se reçoit à la maniere du reçevant : Ainsi la même influence fait un effet different, quoi qu'égal en espece dans deux hommes de differentes conditions, nez dans le même instant ; & la même influence qui fera Gallus Chancelier, fait Théobon de petit Prêtre, le Curé de sa Paroisse, & Lucas, de fils de Vigneron, le Bailli de son village. Mais pour confondre cette objection, & faire voir que même point de naissance fait même fortune dans deux sujets à peu près également disposez, je veux raporter un exemple dont j'ai plus de vingt témoins vivans. [p.245]
    Un jeune homme soi disant Abbé, prisonnier au Châtelet, me pria de tirer sa figure ; il étoit en prison pour une bagatelle ; je l'examinai, & dis qu'il seroit pendu. Cependant il sortit absous, & l'on se moquoit de moi ; mais trois mois après il y rentra pour un fait nouveau, & fut pendu. Tandis qu'il y étoit la seconde fois, un jeune Avocat de bonne famille fut mis dans la même prison pour très-peu de chose ; il me pria de tirer aussi sa figure ; je la vis, & l'idée de l'autre m'étant encore presente, je la chercherai dans mon Porte-feüille, & l'ayant conferée, je trouvai qu'ils étoient tous deux nez dans le même moment, à même heure, à même jour ; & ainsi je fis de lui un jugement pareil dont on se mocqua : Cependant au moment qu'il croyoit sortir, il fit un nouveau crime ; & d'autre part on découvrit un vol dont il étoit complice ; on le serra dans les cachots, & un mois après l'Abbé, l'Avocat fut condamné à être pendu ; & sur l'apel, de puissans amis ayant fait qu'il ne fut condamné qu'aux galeres, il mourut en chemin, attaché à la chaîne. Les voilà donc tous deux nez au même moment, tous deux voleurs avec fausses clefs ; tous deux en même tems dans la même prison, ayant eu même Raporteur, jugez par le même Juge, & morts à même âge, l'un attaché à une potence, & l'autre attaché à la chaîne. L'un s'apelloit Galais, & l'autre l'Abbé de Pougeole.
    Je dis donc qu'il est impossible que de deux hommes nez au même moment, l'un soit heureux, & l'autre malheureux : Les particularitez de leur fortune seront differentes [p.246] par raport à leurs differens états, differens commerces, differentes liaisons ; mais la même bonté ou malignité des influences agira toûjours sur eux ; je puis dire que de plus de 4000. figures que j'ai examinées, je n'ai jamais trouvé que ces deux-là du même moment.
    Quant à ce qu'on objecte que l'enfant commence à vivre au moment de sa conception, & que c'est l'influence des astres dans ce moment qui doit déterminer sa fortune, & non pas celui de sa naissance ; c'est une erreur : Car l'enfant dans le ventre de sa mere ne vit pas par lui-même ; mais il est seulement une partie de sa mere vivante, & ne reçoit les impressions pour le déterminer lui-même, que dans le premier moment qu'il respire l'air, & qu'il vit à part, & par lui-même. Ainsi ce sont les influences des astres sur sa mere, qui disposent de lui tandis qu'il fait partie d'elle-même ; & l'on a raison de prendre le point de la naissance, & non pas celui de la conception, qui n'opere que pour le tems qu'il vit dépendemment de sa mere.
    Quant à l'incertitude du moment de la naissance, & de la difficulté à l'avoir véritable, il est ridicule d'en faire une objection à l'art, puisque si l'Astrologue par ce défaut tombe dans l'erreur, ce n'est point la faute de l'art, & c'est de même que si l'on blâmoit la Medecine, parce qu'un homme qui a une maladie se plaindra d'un autre à son Medecin qui le traitera mal.
    Mais ce moment peut être rectifié par les accidens, comme nous l'aprend Ptolomée ; & c'est l'unique maniere de le trouver, [p.247] les autres voies que l'on propose n'étant que des chimeres.
    Il ne reste donc que la sixiéme objection, dont il est bon de faire un Chapitre à part.

CHAPITRE II.

Comment les quatre qualitez primitives peuvent déterminer la fortune.

    J'ai posé pour principe Physique de l'Astrologie judiciaire, que la seule lumiere portoit l'influence des corps celestes sur les corps sublunaires, & que cette influence ne consistoit en autre chose que dans les altérations differentes, & les divers mélanges du chaud, du froid, du sec, & de l'humide.
    Or, on a raison de trouver de la difficulté à conçevoir comment ces qualitez matérielles, qui ne peuvent qu'echaufer, refroidir, secher ou humecter, peuvent cooperer à la fortune ou à l'infortune des hommes, causer des prisons, des exils, des morts violentes, de la felicité dans le commerce, dans le mariage, dans les emplois. Mais qu'on prenne la peine de me suivre pas à pas, & je vais montrer de quelle maniere la chose s'opere.
    Il faut d'abord comprendre, & la chose est aisée & naturelle, que le tempéramment dépend absolument de la differente combinaison de ces qualitez, & que suivant que le corps est plus chaud ou plus humide, plus froid ou plus sec, il a son tempéramment different, parce que la domination de ces [p.248] qualitez fait abonder dans le corps l'humeur qui lui répond ; & ainsi la chaleur influée rend le sang plus abondant, la secheresse fait dominer la bile, le froid la mélancolie, & l'humidité la pituite.
    C'est de-là qu'on voit les sanguins plus vifs & plus vermeils ; les bilieux plus roux & plus enflammez ; les mélancoliques plus pâles, plus noirs & plus lents ; & les pituiteux plus blancs & plus mous. Or, on ne doit point douter que ce qui détermine dans les corps les differentes combinaisons de ces qualitez, ce ne soient les influences des astres, suivant la disposition dans laquelle ils se trouvent, & suivant la diversité des rayons de lumiere qu'ils répandent sur le corps au moment de la naissance ; mais quand je dis sur le corps, il faut entendre avec Ptolomée, dans l'air que ce corps respire au moment qu'il naît.
    Or, l'impression de ces influences ayant réglé ces qualitez dans de certains degrez, le tempéramment en est formé par correspondance à l'état précis auquel dans ce moment fatal les corps célestes se trouvent situez ; & suivant que ce tempéramment est établi il forme dans le centre du coeur de l'homme, & dans son cerveau, ses inclinations.
    Je dis dans le coeur & dans le cerveau, qui dans toutes les operations de la vie agissent de concert, parce que l'homme n'a que deux principes de vie, la chaleur & l'humidité ; l'une vient du Soleil, & l'autre de la Lune, & c'est leur mélange bien tempéré qui fait la longue vie, comme l'alteration de l'une ou de l'autre fait la [p.249] destruction du vivant. Or, le Soleil qui est maître du coeur, y place le siége de la chaleur qu'il influë, & qu'il gouverne ; & la Lune qui gouverne l'humidité en met le siége dans le cerveau dont elle se rend la maîtresse.
    Le tempéramment forme donc les inclinations de l'homme suivant ces qualitez dominantes ; & par ce moyen les sanguins sont hardis, aimant la gloire, la joye & le plaisir ; ils sont agréables, beaux, bien proportionnez, éloquens, équitables, misericordieux, pieux, bons, ambitieux, génereux, libéraux & magnifiques, & portez aux emplois qui regardent la Religion, la Police & la Justice.
    Les bilieux sont témeraires, brutaux, violens, arrogans, broüillons, querelleurs, emportez, inconstans, inconsiderez, dissolus dans les plaisirs, prodigues, ravisseurs, traîtres, malins, impies, & portez à tout ce qui va à répandre le sang.
    Les mélancoliques sont prudens, éconômes, avares, timides, défians, discrets, prévoyans, parlant peu, marchant avec poids & lenteur dans toutes leurs actions, pacificateurs, mais vindicatifs, dissimulez, superstitieux, & portez à la retraite.
    Les pituiteux sont foibles, froids, lâches, faciles, paresseux, stupides, se défians d'eux-mêmes, n'osans rien entreprendre, ayant peur de tout, effeminez dans les plaisirs, & ne cherchans que le repos & l'oisiveté.
    Voilà les caracteres principaux de chaque tempéramment ; mais comme tout homme a du mêlange de toutes les quatre humeurs, & plus ou moins des unes ou des autres, c'est ce qui fait la diversité infinie [p.250] des tempêrammens & des inclinations ; en sorte que souvent la malignité d'une mauvaise augmente la méchanceté de l'autre, ou corrompt sa bonté, comme la bonté d'une bonne corrige la malignité de la mauvaise.
    L'homme donc déterminé par son tempéramment à de certaines inclinations, comme à être avare ou prodigue, sincere ou fourbe, doux ou brutal, regle sur elles ses actions : Car il est peu d'hommes qui ayent la force, ou qui veulent prendre la résolution de remonter le torrent ; c'est-à-dire, de resister au penchant que la nature lui donne, & de prendre une autre route que celle que leur trace cette inclination.
    Comme donc les actions des hommes font leur bonne ou mauvaise fortune, que ces actions sont l'ouvrage de leurs inclinations, que ces inclinations sont déterminées par le tempéramment, & le tempéramment réglé par les influences des astres ; c'est par cette gradation que les corps celestes sont non seulement les signes, mais les causes éficaces de nôtre bonheur & de nôtre malheur.
    Mais on pousse plus loin la dificulté, & l'on en propose une nouvelle ; car, suposé qu'on demeure d'acord que par cette conséquence les astres qui nous inclinent soient par nos actions les causes primitives de nôtre bonne ou mauvaise fortune : on demande comment il est possible que cette influence qui est en géneral heureuse ou malheureuse, puisse specifiquement déterminer nôtre bonheur ou nôtre malheur, à telle ou telle chose particuliere.
    Par exemple, comment Saturne au milieu du Ciel, comme le mien, regardant d'un [p.251] quadrat malheureux le Soleil qui tombe dans la sixiéme maison, cause la privation des dignitez & des honneurs, puisque suivant le principe physique que j'ai établi, toute cette influence se réduit à ce que le rayon du Soleil, porté sur le corps de Saturne s'y refroidit & s'y desseche, & renvoye au corps sublunaire une influence froide & seche.
    Pour répondre à cette objection, & sur cet exemple, il faut reprendre ce que j'ai dit dans l'autre Livre, que le Soleil a une domination speciale sur les honneurs, & que l'experience ayant vérifié que chaque maison de la figure a une particuliere domination sur quelque chose, on est convaincu que la dixiéme concerne tout ce qui regarde les dignitez & les emplois, & qu'outre cela la force ou la foiblesse des maisons donne de la force ou de la foiblesse aux planetes.
    Ainsi, Saturne au milieu du Ciel, à la pointe de la plus forte maison angulaire, est très-fort, & d'autant plus malin qu'il y est dans le Belier, qui est sa chûte. Le Soleil, au contraire, qui est maître par exaltation du milieu du Ciel, est affoibli dans la sixiéme maison tombante ; & son rayon quadrat & malheureux se portant sur Saturne, qui est précisément à la pointe du milieu du Ciel, cette planete maligne l'envenime, & détermine son poison à agir sur la chose que le milieu du Ciel domine, qui sont les honneurs & les dignitez. Ainsi la malignité de cette influence a reçû sa specification de la maison où s'est formé l'angle de la réflexion du rayon infortuné du Soleil.
    Et si ce Saturne avoit été dans la huitiéme [p.252] maison, qui est celle de la mort, la malice de l'influence auroit été déterminée à specifier une mort malheureuse, si d'autres influences ne l'avoient détournée ; & voilà comme tout le fondement de l'Astrologie judiciaire dépend des atributs des maisons dont on ne peut rendre neanmoins aucune raison physique, & sans quoi l'on ne pouroit entrer dans aucune specification de jugement.
    Mais, dira-t'on, ce n'est pas encore assez, & il faut rendre raison comment cette froidure & cette secheresse que Saturne a communiquée aux rayons du Soleil peuvent operer ce malheur, & quelle relation elles peuvent avoir avec la perte d'une dignité.
    Je répons que le froid & le sec sont deux qualitez destructives par l'obstacle qu'ils aportent à toutes les opérations, & qu'ainsi étant déterminée par sa situation à faire obstacle à la dignité, elle suit en détruisant par son principe de destruction le cours de ce qui étoit promis par le Soleil, dominateur propre des honneurs & du milieu du Ciel.
    Car il faut poser pour maxime, que tout ne se produit, & ne se conserve que par une chaleur tempérée d'humidité, & que le froid & le sec, ou la chaleur & l'humidité immoderée vont toûjours à la destruction, que cette premiere constitution tempérée fait le succès de toutes les opérations, & que les autres dispositions en empêchent le succès.

[p.266]

CHAPITRE VII.

Des choses qui se peuvent ou ne se peuvent point prévoir par l'Astrologie.

    La témerité des Astrologues a de tout tems excité de justes murmures contre l'arrogante vanité de leurs prédictions, parce que la curiosité importune de ceux qui les consultent, & l'avidité de prédire & de vendre leurs promesses, les poussent à outrer un art qui a des bornes beaucoup plus étroites que celles qu'on lui donne.
    En effet, n'est-ce pas une impudence outrée, de voir certains Astrologues comme j'en ai vû, & sur tout en Italie, qui ne voulant pas se renfermer dans les conjectures qu'on peut fonder sur des principes naturels, osent entrer dans des prédictions frivoles, & vont jusqu'à des specifications [p.267] ridicules, comme de dire à un homme qu'il sera blesse sur un cheval blanc ou noir ; qu'une femme épousera un homme blond ou brun, qui aura telle marque au visage, & mille impertinentes pauvretez semblables. Ce sont de purs affronteurs, qui par la prostitution de leur art le deshonorent & attirent un juste mépris sur les autres.
    C'est aussi cette folle assurance avec laquelle ils afirment comme indubitables leurs conjectures, qui a fait dire que cet art devoit être condamné comme détruisant la liberté de l'homme ; & en effet, ces imposteurs donnant leurs prédictions pour certaines & pour inévitables, ils ôtent la puissance que nous avons de détourner par nôtre volonté déterminée l'effet de leurs menaces.
    Pour éviter cette témerité coupable, il ne faut que conçevoir que tout ce qui arrive à l'homme doit être distingué en trois differentes especes ou natures d'accidens, qui doivent changer en autant d'especes la nature des prédictions.
    Certaines choses arrivent aux hommes par l'unique force de leur temperamment sans aucune cooperation de la volonté, & je les apelle naturelles, comme d'être mélancolique ou enjoüé, taciturne ou babillard, éloquent ou hébété, poltron ou courageux, avare ou liberal, desireux d'aprendre ou dans une indolente incuriosité, avoir le corps sain ou cacochime, & sujet à de certaines maladies. Voilà la premiere espece tout à fait indépendante de la volonté de l'homme, puisqu'il ne dépend pas de nôtre vouloir d'être timides ou courageux, mélancoliques [p.268] ou enjoüez, & ainsi des autres.
    La seconde espece des choses qui arrivent aux hommes, & que j'apelle mixtes, sont celles dans lesquelles le temperamment & la volonté agissent unanimement, lorsque cette derniere est entraînée par sa foiblesse dans le penchant où l'autre la pousse, mais de maniere néanmoins qu'il y est porté librement & sans necessité ; comme un homme babillard qui éventera un secret par la demangeaison naturelle qu'il a de parler ; une femme qui se prostituë par l'impulsion de son penchant ; un querelleur qui tuë ou qui se fait tuer mal à propos par l'imprudence de ses emportemens ; un voleur qui se fait prendre par la pente qu'il a au larcin, & qu'il aura reçûë des malignes influences de Mercure mêlé aux malefiques.
    Enfin, la troisiéme espece d'évenemens que j'apelle de pure liberté, ce sont ces sortes d'actions qui partent d'une volonté déterminée, indépendante de tout tempéramment, & qui se mettant au dessus de tous les penchans naturels, & triomphant de sa propre inclination, triomphe aussi de l'influence maligne des Etoiles.
    Comme si un homme, porté naturellement au meurtre & à la cruauté se déterminoit à vivre dans une extrême douceur & modération ; qu'une femme inclinée par ses Planettes à se prostituer, se voüât par un zele vif & perseverant à la Virginité, & triomphât de tous les aiguillons qui la tentent ; & qu'un homme porté à la fraude, au vol, & à la perfidie, fixe sa volonté à vivre dans toute l'intégrité & la sincérité d'un honnéte homme, en sorte que toutes les actions qu'ils [p.269] feroient ne tinssent rien de leur tempéramment, mais qu'elles fussent l'ouvrage pur d'une volonté libre & déterminée.
    Or, cette distinction posee, je dis que l'Astrologue peut conjecturer avec quelqu'espece de certitude ou d'evidence, tout ce qui dans la premiere espece peut concerner la vie de l'homme ; & en effet, si la disposition des corps celestes imprime le tempéramment, n'est ce pas une conséquence necessaire qu'on puisse prévoir tout ce qui dépend uniquement de ce tempéramment. Ainsi lorsque je verrai la figure d'un pituiteux qui aura Saturne joint à la Lune dans la maison des maladies, je préjugerai qu'il sera sujet aux catarres, aux débordemens de cerveau, aux goutes, ou aux autres fluxions, suivant les signes & les maisons que domineront ces Planetes, ou celles qui leur seront configurées, & je connoîtrai même dans quel tems agira ce levain malin qui a été imprimé au moment de la naissance. Je prédirai de même avec assez de certitude, si un homme sera prodigue lorsque je verrai Mercure avec Mars, ou qu'il sera avare lorsque ce même Mercure se trouvera joint avec Saturne. Je verrai s'il aura du coeur ou s'il sera poltron ; s'il sera beau ou laid, bien fait ou contre-fait ; enfin toutes les choses dans lesquelles la volonté n'a point de part.
    Dans la seconde espece l'Astrologue ne peut voir les choses qu'avec beaucoup d'incertitude & d'obscurité, & seulement par une conjecture de probabilité, parce que la volonté de l'homme étant dans un  mouvement perpétuel, c'est une témerité de vouloir fixer un jugement indubitable sur [p.270] ce qui est dans une volubilité continuelle.
     Cependant lorsque je verrai un esprit fourbe & malin désigné par les principes du tempéramment, & que dans cette même figure je verrai de malignes configurations des maléfiques, avec la planete qui désigne cet esprit, & que ces planetes empoisonnées auront domination sur les maisons des prisons & de la mort & sur les luminaires ; je conclurai par un conjecture probable ou pour mieux dire j'entreverrai que cet homme suivant son penchant poura être un voleur, & pour ses vols emprisonné & puni de mort ; mais comme ces vols dépendent de sa volonté, qui peut se déterminer à ne les pas faire, je serois un témeraire, de vouloir, comme font ordinairement les Astrologues, assurer que la chose doit arriver certainement.
    Mais quant à la troisième espece dans laquelle on prétend que se trouva autrefois Socrate, que la nature avoit fortement incliné à toute sorte de vices, mais qui par une volonté déterminée dompta cette pente, & malgré elle embrassa avec confiance & fermeté le chemin de la vertu, lorsqu'un homme est dans cette disposition, & que contre toutes les tentations de son penchant il reste aussi inébranlable qu'un rocher l'est au choq des vagues qui le battent : Je dis que dans ce cas tout l'art conjectural des Astrologues est anéanti, qu'il leur est impossible de rien déterminer sur des influences qui sont vaincuës par une volonté libre qui se fixe à tout ce qui leur est oposé.
    Or, suivant cette distinction dont j'ay fait un très-grand nombre d'expériences, [p.271] l'on ne peut point dire que cet art conjectural combat aucun principe de la Religion, ni qu'il détruise en aucune maniere le franc arbitre ; & en effet, un homme voulant un jour éprouver mes conjectures, me donna à tirer la figure de son frere, sans me dire qu'il étoit mort Chartreux à l'âge de 35. ans, je l'examinai en sa presence, & lui dis que cet homme avoit une furieuse pente pour l'amour, & que la violence de cette passion devoit lui causer quelque chose de funeste dans sa mort : mon jugement étoit fondé sur ce qu'il avoit Venus au premier degré du Capricorne joint au Soleil, maître de la huit, tous deux en oposition de Saturne, maître de l'ascendant, & tombant dans l'Ecrevisse, & en quadrat de Mars qui étoit au bas du Ciel, & maître de la maison des prisons : Il m'avoüa que son frere avoit été très-débauché, deux fois en péril de sa vie, & une fois en prison, mais qu'à vingt ans il étoit entré dans les Chartreux, où il avoit vécu quinze ans dans une piété exemplaire, & qu'enfin il étoit mort subitement à 35. ans. Ainsi je jugeai juste sur le tempéramment, & même assez juste sur ce qui lui étoit arrivé lorsque sa volonté suivoit la pente de sa nature ; mais cette volonté libre s'étant déterminée à une vie héroïque, il vainquit l'effet des influences malignes qui l'auroient peut-être conduit à une mort funeste, & ne donna plus de prise aux conjectures, quoique sa mort subite tint quelque chose de la violence que j'y entrevoyois.
    Ce n'est pas que les influences qui [p.272] menacent un homme d'une mort funeste, ne puissent être si malignes & si fortes qu'elles l'emporteroient sur toutes les précautions, comme on l'a vû dans deux exemples fameux, & d'une verité constante.
    Un Boulonois, fils d'un Astrologue Italien, fut averti par son pere qu'il étoit menacé d'une mort infame & publique, quoi qu'il n'eût rien que de bon & de vertueux dans ses inclinations. Pour rendre cette menace encore plus vaine, il se fit Cordelier, vécut saintement, & par de savantes Prédications aquit une grande réputation. Cependant, comme la Ville étoit divisée en deux factions, l'une des deux envoya au Pape une ambassade, & parmi les Envoyez ce Cordelier fut choisi pour porter la parole ; il s'aquita de son emploi avec aplaudissement & succès ; mais le lendemain de son retour la faction opposee émût une sédition, & la populace furieuse prit tous ceux qui avoient eu part à l'ambassade, & sans autre forme de procès les pendit tous, & le Cordelier avec les autres.
    L'autre exemple fut d'un fameux Médecin de Venise, qui ayant lui même prévû qu'il étoit menacé d'être noyé, quitta cette Ville bâtie au milieu des eaux, & s'établit à Padouë ; il y vécut long-tems tranquile & en réputation : Mais enfin Laurens de Médicis étant tombé malade, il fut apellé à Florence pour le traiter : La mauvaise disposition du malade fit avorter ses remedes ; il mourut, & au bruit qui s'en répandit dans le Palais, son fils qui étoit dans un apartement separé, traversa [p.273] la cour pour se rendre à celui de son pere ; & rencontrant le Médecin auprès d'un puits, dans la brutalité de sa colere & de sa douleur, il le prit entre ses bras & le précipita dans le puits, où il se noya.
    Cependant il faut s'en tenir à cette régle fixe, que par les Astres on peut connoître avec quelque sorte d'évidence tout ce qui dépend ou naît du tempéramment indépendamment de la volonté, qu'on ne fait qu'entre-voir foiblement ce qui dépend conjointement du tempéramment & de la volonté, dont toute la probabilité consiste en ce que la plûpart des hommes ne résistent point à leur penchant naturel ; & enfin, qu'on ne peut rien connoître du tout à ce qui est l'ouvrage de la volonté seule fixe, & déterminée contre le penchant du tempéramment.
    Car enfin si l'infortune d'une septiéme maison, & des planetes qui la dominent menacent un homme d'un mariage très-malheureux, & même de tuer sa femme ou d'en être tué ; n'est-il pas constant qu'il peut éviter ce mal en se déterminant librement & par une volonté fixe, à passer sa vie dans le célibat ; il faudroit être fou pour en douter, ou pour croire qu'il ne pourra s'empêcher de se marier. Ainsi tout l'art judiciaire échoura contre cette résolution inébranlable qu'il aura prise, puisque ses actions étant alors tout oposées aux effets promis par les influences, & l'Astrologue ne pouvant juger que par raport à ces influences, son jugement ne pourra plus se raporter à ces actions. [p.274]
    Suposé donc qu'on puisse connoître avec quelqu'évidence les choses qui dépendent du tempéramment ; on demande de quelle maniere on peut fixer le tems des accidens ; c'est à dire comment ayant reconnu que la Lune, par exemple, blessée par un quadrat de Mars, Seigneur de la sixiéme maison, donnera une petite verole ou une fiévre tierce, on démêlera à quel âge & dans quel tems précis agira ce mauvais levain imprimé au moment de la naissance. C'est ce qu'il faut expliquer.

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CHAPITRE XXI.

Regles génerales pour les Jugemens Astrologiques.

I. Il ne faut jamais juger sur une seule chose dans une figure, mais on doit considerer tout ce qui peut avoir raport à la chose que vous examinez, & mêlant toutes les circonstances pour les coriger les unes par les autres, former sur le tout sa conjecture.
II. Pour examiner une chose, il faut considerer, le lieu affecté à la chose, la planete dominante, la force ou imbécilité des planetes presentes ou configurées, & on la tire de leurs siuations, ou à l'égard de la géniture, comme s'ils sont angulaires, ou en maisons tombantes.
III. Considerez sur chaque maison, d'abord les planetes presentes, parce que ce sont celles qui y operent avec le plus d'éficace, en second lieu l'état des dominateurs ; & enfin les bonnes ou mauvaises configurations des bénefiques ou maléfiques à cette maison, & ne formez point de jugement qui ne résulte de toutes ces choses.
IV. Le dominateur d'un angle qui s'y trouve present agit avec plus de force qu'aucun autre ; ainsi le maître de l'Ascendant dans l'Ascendant donne une vie forte & vigoureuse ; celui de la sept dans la sept agit puissamment pour les mariages & les contrats ; celui de la dix dans la dix pour les honneurs ; & celui de la quatre dans la [p.341] quatre pour l'acroissement du patrimoine.
V. Les aspects partiles de degré en degré sont très-forts ; ceux qui apliquent sont de la seconde force ; mais ceux qui défluent sont les plus foibles. Apliquer, c'est quand les Planetes vont à l'aproche l'une de l'autre ; & défluer, c'est lors qu'elles s'éloignent.
VI. Une planete située entre les deux maléfiques, en sorte qu'elle quite l'un pour aller à l'autre, est dans un état très infortuné, & le contraire est quand elle est entre deux bénefiques, quitant l'un pour arriver à l'autre.
VII. Saturne blesse plus la Lune par sa conjonction que par son oposition, & le Soleil plus par son oposition que par sa conjonction, & Mars tout au contraire.
VIII. Tout Jugement sur le tems de la mort est incertain, & c'est une témerité impie d'oser le proposer comme necessaire, démonstratif & infaillible ; on ne le doit proposer que comme variable, probable & contingent.
IX. Il est dangereux d'avoir une acumulation de planetes dans un même endroit, parce que les mauvaises directions arrivant à la fois ou coup sur coup, la nature ne peut y résister. Ceux qui les ont ainsi sont exposez à des évenemens surprenans & à de fâcheux revers.
X. Tout enfant qui naît dans la conjonction ou dans l'oposition des luminaires vit rarement, & ne le peut que ces luminaires ne soient fort apuyez des bénefiques, & sans aspect des maléfiques, parce que le mauvais aspect d'un maléfique les blesse tous deux à la fois. [p.342]
XI. La sixième maison est la situation la plus desavantageuse au Soleil.
XII. Quand trois bénefiques sont joints, ils promettent toûjours un grand bonheur dans la chose signifiée par la maison où se fait la conjonction.
XIII. La Lune dans la septième maison donne des traverses furieuses, & souvent dès la naissance. Le Prince de Galles en fournit un exemple bien précis, quoique d'ailleurs sa figure soit très forte & très Royale.
XIV. Un bénefique peut devenir maléfique comme Jupiter s'il est maître de la maison de mort, rétrograde dans sa chûte, & en maison tombante, & alors il peut même donner la mort contre le sentiment de Ptolomée.
XV. La mort naturelle vient d'une cause intrinseque, & la violente d'une extrinseque.
XVI. Un homme est né fortuné, lorsque la Lune angulaire reçoit les bons aspects de toutes les planetes.
XVII. Les maléfiques font plus de mal que les bénefiques ne font de bien ; & si un maléfique fait du bien, ce n'est que par l'effet d'une mauvaise qualité, comme Saturne contribuë à enrichir, mais c'est parce qu'il rend un homme avare. Mars éleve un homme aux honneurs, mais c'est parce qu'il inspire la violence.
XVIII. Une planete est plus puissante dans un angle sans dignité, que dans une maison tombante dans laquelle il possederoit toutes ses dignitez.
XIX. Toute influence se reçoit à la maniere, & selon l'état & la disposition du reçevant : Ainsi la même influence opère [p.343] diversement, & produit differens effets sur deux enfans qui naîtroient dans le même moment, mais de deux conditions differentes. Ainsi si César fût né sujet d'un Monarque, & si Alexandre fût né dans une République, ils ne se seroient peut-être rendus ni l'un ni l'autre, les maîtres du monde.
XX. Jupiter corrige la malignité des influences de Saturne, & Venus corrige celle de Mars.
XXI. Trois choses font l'amitié ou l'inimitié des planetes, leur nature, leurs maisons, & leurs aspects.
XXII. Ce ne sont pas les influences celestes qui donnent les honneurs, les richesses & les voluptez, mais elles inclinent l'esprit à les apéter, & par consequent à les rechercher, & employer leur industrie pour les aquerir.
XXIII. Quand Jupiter est fort dans une figure, il promet toûjours de grands biens touchant les choses qu'il désigne.
XXIV. Le maléfique donne la mort, & en détermine le genre, mais la maison en signifie la cause, & la commixtion des autres planetes marquent ceux qui doivent y contribuer en cas qu'elle soit violente.
XXV. La mort n'arrive point que par la direction de l'Aphéte ou Significateur de la vie à l'Anéréte ou Interfecteur.
XXVI. Il n'y a que quatre Aphétes, le Soleil, la Lune, l'Ascendant, & le milieu du Ciel. Les deux premiers tuënt par la rencontre des corps & des rayons maléfiques, & les deux autres par la rencontre des corps seulement. [p.344]
XXVII. Les directions fortes peuvent opérer sans révolutions concourantes, mais les foibles ont besoin du concours des Révolutions. Les Révolutions, au contraire, n'opérent rien toutes seules, & ne font qu'aider les directions, les fortifier, ou les affoiblir.
XXVIII. Un homme de probité devient rarement très riche, parce que les bonnes moeurs viennent de la médiocrité des influences ; & pour donner de grandes richesses, il faut de l'excès aux influences.
XXIX. Les deux maléfiques dans la maison de la mort ou dans celle de la vie sont très-dangereux, & permettent rarement une bonne fin.
XXX. Saturne dans le milieu du Ciel cause toûjours de très grandes infortunes, & suscite des obstacles perpétuels à toutes les actions.
XXXI. Le dominateur d'une maison dans une autre maison produit des effets mêlez de ce que les deux maisons signifient.
XXXII. La conjonction de Mars & de la Lune est très-pernicieuse pour la chasteté d'une femme.
XXXIII. Le Soleil influë avec une très-grande force dans la dixiéme, dans la premiere, & dans la neuviéme maison.
XXXIV. Les étoiles fixes n'agissent que par leur presence dans les angles ; par tout ailleurs leurs influences sont imbéciles, & il n'y a que celles de la premiere & seconde grandeur dont les effets soient sensibles.
XXXV. Parmi les étoiles fixes, il y en a [p.345] quatre spécifiquement violentes, la tête de Meduse, l'oeil du Taureau, l'Hercule, & le coeur du Scorpion.
XXXVI. Les étoiles fixes dans les angles avec les luminaires ou les bénéfiques donnent de prodigieuses fortunes, mais elles sont sujettes à de grands revers.
XXXVII. Les deux maléfiques oposez de la premiere à la septiéme maison, ou tous deux dans la septiéme, frapans d'oposition la maison de vie, donnent une mort violente, quelque correction qu'il y ait d'ailleurs.
XXXVIII. Les luminaires dans les angles, avec les maléfiques ou blessez de leurs mauvais aspects, rendent le corps diforme, ou exposent à de très dangereux accidens.
XXXIX. Ne jugez jamais d'une figure que vous ne vous soyez informé du sexe & de la qualité de l'enfant, & des accidens qui lui sont arrivez.
XXXX. Il est dangereux de vouloir juger sur sa propre figure, parce que l'amour propre l'emporte souvent sur nôtre connoissance, & nous fait croire ce que nous desirons.

Fin des Tableaux des Philosophes.


Référence de la page :
Patrice Guinard: Eustache Lenoble (1643-1711):
Un Bilan sur l'Astrologie à son déclin
http://cura.free.fr/docum/10lenob.html
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