/1/ /507r/ Testament
pour monsieur Maistre Michel
Nostradamus, Docteur en medecine,
astrophille, conselhier et medecin ordinaire du Roy
{1} (En) L'an à la Nativité nostre Seigneur mil
cinq cens soixante six & le dix septiesme jour du moys de juing,
saichent toutz presentz & advenir qui ces presentes verront, comme ne soyt
chose plus certaine qu'est la mort ne [ni] chose plus incertaine
qu'est l'heure d'ycelle, pour ce est il que par devant & en la
presance de moy Joseph Roche notaire Royal & tabellion juré
de la presente ville de Sallon diocese d'Arles soubzigné
& des tesmoings cy apres nommés, feust present
en sa personne Maistre Michel Nostradamus, docteur en medecine
& astrophille de ladicte ville de Sallon, conselhier & medecin
ordinaire du Roy, lequel considerant & estant en son bon entendement,
bien parlant voyant & entendant, combien que en tout ce [se] soyt affoybly,
causant (son ancien eage & certaine maladie corporelle) de laquelle il est
à present debtenu, voullant prouvoyr cepandent qu'il est
en vye de ses biens que dieu le createur luy a donnés
& prestés en ce mortel monde, à celle fin que apres
son decepz & trespas sur iceulx biens n'y aye question proces
ne [ni] differant,
{2} pource ledict Maistre Michel Nostradamus de son bon
gré, pure et franche vollanté, propre mouvement, deliberation
& vollanté, a faict ordonné & estably & par ces presentes
faict ordonne & establist son testement nuncupatif [de vive voix et devant témoins],
disposition & ordonnance finalle & extreme vollanté de toutz & ungs chescungs des
biens que dieu le createur luy a donnés & prestés
en ce mortel monde à la forme & maniere que s'ansuyt :
{3} & premierement ledict Maistre Michel Nostradamus testateur
comme bon vray /507v/ crestien & fidelle
a recommandé & recommande son ame à dieu le createur priant icelluy createur
que à son diffinement et quant sera son /2/ bon
plaisir de l'appeller en aye pitié compassion & misericorde & (que luy
plaise) collocquer son ame au Royaulme eternel de paradis *,
& pource que apres l'ame le corps est la chose plus digne
de ce siecle, pource icelluy Maistre Michel Nostradamus
testateur a vouleu & ordonné que apres que l'hame de
son corps sera aspiree, icelluy estre porté honnorablement
en sepulture dans l'eglise du convent ** de Saint Françoys
dudict Sallon & entre la grant porte d'icelle & l'aulthel de Saincte Marthe
là où a vouleu estre faicte une tombe ou monument contre
la murailhe, * & il a vouleu et ordonné sondict
corps estre acompaigné avecques quatre cierges d'une livre la piesse,
& aussi a vouleu & ordonné le dict testateur toutes ses
obseques & funerailhes estre faictes à la discretion
de ses gagiers cy apres nommés *,
* Nostradamus "bon et fervent chrétien" ou païen déguisé ? Il ne recommande
pas son âme à Jésus-Christ, ni à Marie, ni à aucun des saints (la cour céleste) comme il était
de coutume, mais au seul créateur de toutes choses, ni n'ordonne aucune messe pour le salut
de son âme, mais demande au contraire que ses funérailles soient organisées à la discrétion
de ses exécuteurs testamentaires. En revanche il ne doute pas que son
âme sera aspirée et convoquée en temps opportun "au Royaulme eternel de paradis".
** Le texte du registre 675, à savoir "l'eglise colegie de Sainct
Laurens dudict Sallon et dans la chappelle de Nostre dame à la murailhe de laquelle a voulu
estre faict ung monument dans lequel sondict corps soit ensevely & pour ladicte plaxe a
legué au chappitre et chanoines de ladicte esglise deux escus paiables une foys tant seullement
incontinent apres son deces", a été barré et remplacé en bas de feuillet par le texte
repris au registre 676 : "l'eglise du convent ... contre la murailhe".
L'église collégiale de Saint-Laurent a été remplacée par celle des Cordeliers du couvent de Saint-François.
Or cette dernière fut détruite et pillée à la fin du XVIIIe siècle lors des troubles de la Révolution
française, et sa tombe a effectivement été déplacée dans la première église mentionnée.
Daniel Ruzo précise (p.19 de son ouvrage précité) que la tombe fut profanée en 1791 et que les restes
de ses ossements furent ramenés dans l'enceinte de la chapelle de Nostre Dame (celle de la Vierge ou la
sienne ? ...) en l'église de Saint-Laurent à Salon, qui est le lieu initialement indiqué puis biffé,
comme si Nostradamus savait ce qu'il adviendrait de sa sépulture sous la
Révolution française, en cette période qui marque le début du "Commun Avènement"
annoncé dans ses Prophéties. Même le sceptique Raoul Busquet s'interroge :
"L'intention première du Prophète aurait donc finalement été réalisée. Peut-être
le texte primitif du testament était-il une prévision de l'avenir ?"
(in Nostradamus, sa famille et son secret, Paris, Fournier-Valdès, 1950, p.133).
{4} & aussi a legué vouleu & ordonné ledict
testateur que soyt bailhé à treze pouvres * six soulx pour
chescung une foys tant seulement poyables apres son decepz
& trespas, lesquelz pouvres seront esleüx à la discretion
de ses gagiers cy apres nommes,
* Il était de coutume testamentaire, et pas seulement provençale, de
convoquer ou de laisser quelque aumône à une treizaine de pauvres, par exemple dans le testament
du négociant Jean d'Arles (1540) : "treize pauvres habillés de serge blanche qui veilleront le
corps [le jour de l'enterrement] tenant chacun un cierge allumé à la main et récitant des
prières." (Philippe Paillard, "Vie économique et sociale à Salon de Provence de 1470 à 1550",
in Provence Historique, 19.78, Aix, 1969, p.295), ou dans celui de Nicolas Jenson en 1480 (Henri
Monceaux, "Les Le Rouge de Chablis (1470-1531)" in Bulletin de la Société des sciences historiques
et naturelles de l'Yonne, 48, 1894, p.268).
{5} & aussi a legué & laisse ledict Maistre Michel
Nostradamus testateur aux fraires de l'Observance de Sainct Pierre
de Canon ung escu une foys tant seulement /3/ poyable
incontinent apres son trespas,
{6} & aussi a legué & laysse ledict testateur
à la chappelle de Nostredame des penitents blancs dudict
Sallon ung escu poyable une foys tant seulement incontinent apres
son decepz & trespas,
{7} & parielhement a legué & legue aux
fraires mineurs du convent de Sainct Françoys dudict Sallon
deux escus une foys tant seulement /508r/ poyables
incontinent apres son decepz & trespas,
{8} & parielhement a legué & laisse ledict
testateur à honneste filhe Magdaleyne Besaudine, * filhe
de Loys Bezaudin son germain, la somme de dix escus d'or pistolletz, lesquelz
a vouleu luy estre bailhés quant elle sera collocquee
en mariage & non aultrement, tellement que sy ladicte Magdaleyne venoyt
à mourir avant que estre colloquee en mariage, a vouleu &
veult ledict testateur le present legat [legs] estre nul,
* Cette Madeleine, fille de Loys, est la petite-fille de
la plus jeune soeur connue du père de Nostradamus, Bartholomée, mariée vers 1503 au
négociant salonnais Barthélemy Besaudin (cf. CN 131).
{9} & parielhement a legué & laisse ledict Maistre
Michel Nostradamus testateur à damoyselle Magdaleyne Nostradamus
sa filhe legitime et naturelle & de damoyselle Anne Ponsarde sa
femme commune la somme de six centz escutz d'or sol poyables une foys tant
seulement le jour qu'elle sera collocquee en mariage, & parielhement
a legué & legue ledict Maistre Michel Nostradamus testateur à
damoyselles Anne & Diane de Nostradamus ses filhes
legitimes & naturelles & de la dicte damoyselle Anne Ponsarde
sa femme commune /4/ & à chescune d'elles
la somme de cinq cens escuz d'or pistolletz poyables à chescune d'elles le jour que seront
collocquees en mariage, & quas [sic : cas] advenant que lesdictes damoyselles
Magdaleyne Anne & Diane seurs ou une d'elles vinsent à mourir
en pupillarité ou aultrement sans hoirs legitimes & naturelz,
audict cas a substitué à chescune desdictes Magdaleyne Anne
& Diane ses heritiers cy apres nommés,
{10} & aussi a legué & laisse ledict Maistre Michel
Nostradamus testateur à la dicte damoyselle Anne Ponsarde sa
femme bien aymee la somme de quatre centz escutz d'or pistolletz,
lesquels ledict testateur a vouleu estre expediés à ladicte Ponsarde sa
femme incontinent /508v/ apres la fin &
trespas dudict testateur, & desquelz quatre centz escutz ladicte Ponsarde en jouyra tant
qu'elle vivra vefve & en son nom dudict testateur, & cas advenant que
ladicte Ponsarde vienne à se remarier, audict cas ledict testateur
a vouleu lesditz quatre centz escus estre restitués à ses
hoirs cy apres nommés, & si ladicte Ponsarde ne vient à
soy remarier, audict cas ledict testateur a vouleu qu'elle puisse leguer
& laysser lesdicts quatre centz escus à ung de ses enffans dudict
testateur tel ou telz que bon luy semblera, /5/ prouveu
touteffoys que ne les puisse laisser à aultre que à sesdictz enffans dudict testateur,
{11} & parelhement a legué & legue ledict
testateur à ladicte damoyselle Anne Ponsarde sa femme
le usaige & habitation de la tierce partie de toute la meyson dudict testateur,
laquelle tierce partie ladicte Ponsarde prandra à son choiz de laquelle
en jouyra tant que vivra & vefve en son non dudict testateur,
{12} & aussi a legué & laysse à ladicte
damoyselle Ponsarde une caysse de noyer dicte la grand caysse estant à
la salle de la meyson dudict testateur, ensemble l'aultre petite joignant
icelle près du lict, & aussi le lict estans à la dicte salle
avecques sa bassacque [paillasse], mathellas, cousiere [coultre, couverture], traversier
couverte de tappicerie, les cortines et rideaulx estans audict lict, &
aussi six linseulx, quatre touailhes [torchons], douze cervittes [serviettes], demy
douzeine de platz, demy douzeine d'aciettes, demy douzeine d'escuelles,
deux pichieres, une grande & une petite, une aiguediere
& une /509r/ salliere, le tout d'estaing,
& d'aultres meubles de mayson que luy sera necessaire sellon sa qualité, troys bouttes [tonneaux]
pour tenir son vin & une petite pille carree estans dans la cave,
lequel meuble apres la fin de ladicte Ponsarde /6/ ou cas advenant
qu'elle vinse à se remarier a vouleu ledict testateur torner
à ses hoirs sy [ci] apres nommés,
{13} & parielhement a legué & laisse ledict testateur
à ladicte damoyselle Anne Ponsarde sa femme toutes ses robbes, habilhementz,
bagues & joyaulx pour d'iceulx en faire à tous ses plaisirs &
vollantés, & aussy a prelegué & prelegue
ledict Maistre Michel de Nostradamus testateur toutz & ungs chescungs
ses livres qu'il a à celluy de ses filz qui proffitera plus à
l'estude et qui aura plus beu de la fumee de la lucerne [ou luiserne : chandelle], lesquelz
livres ensemble toutes les lectres missives que se treuveront dans sa maison
dudict testateur, ledict testateur n'a vouleu aulcunement estre invantarizees
ne mis par description ains estre serrees en paquetz & banastes
jusques ad ce que celluy qui les doybt avoyr soyt de l'eaige de les prandre
& mis & serrees dans ungne chambre de la meyson dudict testateur,
{14} & aussy a prelegué & prelegue
ledict testateur à Cesar de Nostradamus son filz legitime
& naturel & de ladicte damoyselle Ponsarde sa femme commune sa meyson
où ledict testateur habite de present, item luy a
prelegué & prelegue ledict testateur
sa coppo [coupe] que ledict testateur a d'argent surdouree & aussy
les grosses cadieres de boys & de fer estant dans ladicte mayson,
demeurant touteffoys le legat faict à ladicte Anne Ponsarde sa femme en sa force &
vertu tant qu'elle /509v/ vivra vefve & en son non dudict
testateur, & laquelle maison demeurera par commung & indivis quant pour
regard de l'usaige entre lesdicts Cesar Charles & André ses
fraires jusques ad ce que toutz lesdicts fraires ses enffans dudict testateur
soyent de l'eaige de vingt /7/ cinq ans, apres
lequel temps toute ladicte maison sera entierement dudict Cesar pour en fere à
son plaisir & vollanté, demeurant touteffoys tousjours le legat faict à ladicte
Ponsarde sa mere pour le regard de ladicte maison en sa force & vertu,
{15} & parielhement a ledict testateur prelegué
& prelegue audict Charles de Nostradamus son filz
legitime & naturel & de ladicte damoyselle Anne Ponsarde
sa femme commung la somme de cent escuz d'or pistolletz une foys
tant seulement, lesquelz cent escus ledict Charles pourra prandre sur
tout l'heritaige avant que partir quant sera de l'eaige de vingt cinq ans,
{16} & parielhement a prelegué & prelegue
ledict testateur audict André de Nostradamus son filz legitime
& naturel & de ladicte damoyselle Anne Ponsarde [sa femme] commung la somme
de cent escus d'or pistolletz une foys tant seulement, lesquelz cent escus
ledict André pourra prandre & lever sur tout l'heritaige
avant que partir quant sera comme dict est de l'eaige de vingt cinq ans.
{17} Et pource que la institution d'heritier est le chief
& fondement de ung chescung testement sans laquelle tout testement est
randu & faict nul & invalable, pource icelluy dict Maistre Michel de
Nostradamus testateur de son bon gré, pure & franche vollanté,
certaine science, propre mouvement deliberation & vollanté,
en toutz & /510r/ ungs chescungs
ses aultres biens meubles & immeubles presentz
& advenir droictz noms raisons & actions debtes quelzconques
où qu'ilz soyent nommés scitués & assiz ou soubz
quelque spece nom ou qualité que se soyent, a faict créé
ordonné & estably & par ces presentes faict crée
ordonne & establist & a nommé & nomme de sa propre
bouche par leurs noms & surnoms ses heritiers universelz &
particuliers, à ssavoyr est lesdictz Cesar Charles &
André de Nostradamus ses effans /8/ legitimes & naturelz
& de ladicte damoyselle Anne Ponsarde commungs par esgalles partyes &
pourtions en les substituantz de l'ung à l'aultre s'ilz viennent
à mourir en pupillarité ou aultrement sans hoirs legitimes & naturelz,
{18} & sy ladicte damoyselle Anne Ponsarde sa femme estoyt en ceincte
& fist ung filz ou deux les a faictz heritiers esgallement comme
les aultres avec semblable substitution, & sy elle faisoyt une ou deux
filhes leur a legué & laisse ledict testateur à
icelle & à chescune d'ycelles la somme de cinq cens escutz pistolletz
à mesmes payes & substitutions que les aultres,
{19} & sy a vouleu & veult ledict testateur que sesdicts enffans
& filhes ne se puissent collocquer en mariage que ne soyt du consentement
& bon vouloyr de ladicte Anne Ponsarde leur mere & des
plus proches parens dudict testateur, & cas advenant que toutz (troys)
vinsent à mourir sans hoirs legitimes & naturelz, a substitué
& substitue ledict testateur au dernier d'yceulx lesdictes damoyselles
Magdaleyne Anne & Diane de Nostradamus ses seurs & filhes dudict testateur,
{20} & pource que ledict testateur voyt son heritaige consister la plus part en
argent comptant & debtes, a vouleu ledict testateur /510v/ ledict
argent comptant & debtes quant seront exhigés estre mis entre les
mains de deux ou troys marchantz solvables à gaing & proffict honneste,
{21} & aussy pource qu'il a veu ses enffans estre en bas eaige &
pupillarité constitués, leur a prouveu de tuteresse & administreresse
testamentaire de leurs personnes & biens à ssavoyr ladicte
damoyselle Anne Ponsarde sa femme de laquelle speciallement se
confie prouveu qu'elle soyt tenue de fere bon & loyal inventaire, ne voullant
touteffoys qu'elle puisse estre constraincte de vendre aulcung meuble ne
utensilles de mayson dudict heritaige, & ce tant qu'elle vivra vefve
& en son non dudict testateur, deffandant toute allienation
de meuble en quelle sorte que ce soyt ains que soyt gardé & puis
divisé ausditz enffans & heritiers quant seront comme
dict est de l'eaige de vingt cinq ans, /9/ laquelle
tuteresse prandra & recouvrera le proffict & gain dudict argent que sera esté
mis entre mains desdictz marchantz pour dudict proffict s'en nourrir, elle
avec sesdictz enffans chausser & vestir & prouvoyr de ce que sera necessaire
sellon leur qualité sans que desdictz fruictz elle soyt tenue d'en
rendre aulcung compte ains seullement prouvoyr sesdictz enffans comme dict
est, deffandant expressement ledict testateur que sesdictz
heritiers ne puissent demander leur part de leur dict heritaige
en ce que concervera en argent qu'ilz ne soyent de l'eaige de vingt cinq
ans, & touchant aux legatz faictz esdictes filhes se prandront
sur le fondz de l'argent que sera esté mis entre les mains desdictz marchantz & quant
elles viendront soy /511r/ collocquer en mariage
suyvant les susdictz legatz, voullant en oultre ledict testateur que aulcung de ses fraires
dudict testateur aye ne puisse avoyr aulcung manyement & charge dudict
heritaige ains en a laissé le toutal regiment & gouvernement
d'ycelluy & de la personne de sesdictz enffans à la susdicte damoyselle
Anne Ponsarde sa femme,
{22} & à celle fin que ce present son testement puisse
mieulx estre executé mesmemant en ce que touche & concerne
les laysses [cadeaux, legs] pitoyables & de son ame, pource ledict Maistre Michel
de Nostradamus testateur /10/ a faict & ordonné
ses gaigiers & executeurs * de ce present son testement à ssavoyr est
Palamides Marc escuyer sieur de Chasteauneuf & sieur Jacques Suffren bourgeoys
dudict Sallon ausquelz & à chescung d'eulx a donné &
donne ledict testateur plain povoyr puissance & auctorité de executer
ce present son testement & pource faire prandre de ses biens &
fere tout ainsy que vrays executeurs de testement sont tenus &
ont acoustumé de faire,
* On retrouve ce procédé consistant à charger trois personnes (ou plutôt deux plus une, ici Palamède Marcq et Jacques Suffren d'une part, le notaire Joseph Roche d'autre part) d'exécuter ses volontés dans un acte notarié passé le 18 mars 1562 chez le même notaire Roche, dans lequel Nostradamus déclare laisser à sa femme Anna Ponsarde, la future hypothétique requérante (AD13 Salon, 375 E 676 ff. 235v-236r) certaine somme en pièces d'or dans un papier déchiré dont une moitié lui est laissée et l'autre moitié partagée entre son frère Jean et le notaire. Le procédé, cher à Nostredame, illustre évidemment la répartition des quatrains des Prophéties en trois éditions et deux livres.
{23} lequel present son testement a vouleu & veult ledict
Maistre Michel Nostradamus testateur estre & debvoyr estre son dernier
testement nuncupatif, disposition & ordonnance finalle de toutz & ungz
chescungs ses biens lequel entend valloyr pour tiltre & non de testement
codicil donnation pour cause de mort & en toute aultre maniere
& fasson qu'il pourroyt valloyr, en cassant revocant & adnullant
toutz aultres testemens codicilz donnations pour cause de mort & aultres
dernieres vollantés par luy aultreffoys par cy devant faictes
& passees, ceste presente demeurant en sa force & vertu,
ainsy a requis & requiert moydict & soubzsigné notaire & tesmoings
soubz nommés estre recordz de son dict present /511v/ testement
& choses contenues en icelluy, lesquelz tesmoings il a bien cogneus &
nommés par leurs noms & lesquelz tesmoings ont parielhement congneu
ledict testateur, & que je dessusdict notaire redige & mette par
escript le present son testement pour servir à sesdictz heritiers
& aultres qu'il appartiendra en temps & lieu comme de raison.
{24} Et tout incontinent ledict Maistre Michel Nostradamus testateur
a dict & declaire en presence des tesmoings cy apres
nommés avoyr en argent content [sic] la somme de troys mille quatre
centz quarante quatre escutz & dix soulx lesquelz a exhibés &
monstrés realement en presence des tesmoings soubz
nommés es especes cy apres especiffiees. Premierement en trente
six nobles à la rose (vallans unze flourins piece), ducatz
simples cent & ung, angellotz septante neuf, doubles ducatz cent vingt six, escuz
vieulx quatre, lions d'or en forme d'escus vieulx deux, ung escu du roy Loys, une
medailhe d'or vallant deux escus, florins d'Allamaigne huict, imperialles dix,
marionnettes dix sept, demy escutz sol huict, escus sol mille quatre centz dix neuf,
escutz pistolletz douze centz, /11/ troys piesses
d'or dictes portugalenses vallans trente six escutz, que reviennent toutes
les susdictes sommes d'argent comptant reduictes ensemble ladicte somme de troys mille
quatre centz quarante quatre escutz & dix soulx,
{25} Et aussy a faict aparoyr ledict testateur tant par son livre *
que par obligés & cedulles que par gaiges qu'il a
de debtes à la somme de mille six centz escutz lesquelles sommes
d'argent comptant sont esté mises dans troys coffres sive [ou] caysses
estans dans la maison dudict /512r/ de Nostradamus,
les clefz desquelles sont estés bailhees l'une à Palamides Marcq sieur de Chasteauneuf
l'aultre à sieur Martin Mianson consul & l'aultre à sieur
Jacques Suffren bourgeoys dudict Sallon qu'ilz ont receues realement
apres avoyr esté mis l'argent dans lesdictes caysses par iceulx mesmes.
* Il n'est question ici que d'un livre, alors qu'on
connaît la diversité des publications du prophète salonnais. Il faut interpréter
ce singulier comme la marque de sa volonté de sceller son oeuvre
et d'en faire un tout indissociable, conformément au rêve
de la plupart des écrivains, à commencer par Mallarmé :
"Un livre qui soit un livre, architectural et prémédité,
et non un recueil des inspirations de hasard fussent-elles merveilleuses...
J'irai plus loin, je dirai : le Livre, persuadé qu'au fond il n'y
en a qu'un, tenté à son insu par quiconque a écrit, même les Génies."
(in Autobiographie, 1885). En l'occurrence, id est !
{26} /12/ Faict, passé & publié
audict Sallon & en l'estude de la maison dudict monsieur Maistre Michel
Nostradamus testateur en presence de sieur Joseph Raynaud bourgeoys, Martin Mianson
conseulz, Jehan Allegret trezaurier, Palamides Marcq escuyer sieur
de Chasteauneuf, Guilhaume Giraud nobles, Arnaud Damisane, Jaumet Viguier
escuyer & fraire Vidal de Vidal gardien du convent de Sainct Françoys
dudict Sallon, tesmoings ad ce requis & appellés, lesquelz
testateur & tesmoings jedict notaire ay requis soy signer suyvant l'ordonnance
du Roy, qui se sont soubzignés excepté ledict Reynaud
tesmoing qui a dict ne savoyr escripre. Ainsi signés à son premier
originel Michel Nostradamus, Martin Mianson conseul, Jehan Allegret trezorier,
Vidal de Vidal gardien, Barthesard Damysane tesmoing, P. Marc tesmoing, Jehan Viguier,
Guilhaume Giraud.
[Signature du notaire Roche]
/13/ /523v/ Codicil
pour mon sieur Maistre Michel de Nostradamus
docteur en medecine, astrophille,
& conselhier et medecin ordinaire du roy
{27} L'an à la nativité nostre Seigneur mil cinq cens
soixante six (Le dict an) et le dernier jour du moys de Iuing, saichent
tous presentz & advenir qui ces presentes verront que par
devant & en la presence de moy Joseph Roche notaire royal & tabellion
juré de la presente ville de Sallon dioceze d'Arles
soubzigné & des tesmoings cy apres nommez feust
present en sa personne monsieur Maistre Michel Nostradamus docteur
en médecine astrophille conselhier & medecin ordinaire du
roy, lequel considerant & redvisant en sa memoyre
comme il a dict avoyr faict son dernier nuncupatif, prins &
receu par moy dict & soubszigné notayre sur l'an present
& le dixseptiesme jour du present moys de
Iuing auquel entre aultres choses contenues en icelluy auroyt
faict ses heritiers Cezar Charles & André de Nostradamus
ses enfans,
{28} Et pource que à ung chescung est licite & permis
de droict codicilles & faire ses codicilz apres son testement
par lesquelz à sondict testement puisse adjouster ou diminuer
ou aultrement & tout en tout abollir pource ledict Maistre
Michel de Nostradamus voullant fere ses codicilz & de present
codicillant & adjoustant à sondict testement, a legué
& legue audict Cezar de Nostradamus son filz bien
aymé & coheritier son astralabe de leton ensamble son
gros aneau d'or avec la pierre cornelline y /14/
enchassee, & ce oultre & par dessus le prelegat à luy faict par
ledict de Nostradamus son pere à sondict testement,
{29} & aussy a legué & legue à damoyselle
Magdaleyne de Nostradamus sa filhe legitime & naturelle
oultre ce que luy a esté legué par sondict testement
scavoyr est, deux coffres de baut noyer estant dans l'estude dudict codicillant
ensambles les /524r/ habilhemens bagues & joyeaulx que ladicte damoyselle Magdaleyne
aura dans lesdicts coffres sans que nul puisse veoyr ne [ni] regarder ce que
sera dans iceulx, ains dudict legat l'en a faicte mestresse incontinant
apres le decepz dudict codicillant, lequel legat ladicte
damoyselle pourra prandre de son aucthorité sans qu'elle soyt tenue
de le prandre par main d'autre ny consentiment d'aulcun,
{30} Et en toutes & chescunes les aultres choses contenues & declairees
à sondict testement ledict Maistre Michel de Nostradamus codicillant
a apprové ratiffié & confirmé & a voleu & veult
icelles valloyr & avoyr tousjours perpetuelle valleur & fermesse
& aussy a voleu icelluy dict codicillant ce present codicil
& tout le contenu en icelluy avoyr vertu & fermesse par droict de codicil
ou eppitre * & par droict de toute aultre derniere volanté
& pour la melheur forme & maniere que fere se pourra, & a requis
& requiert moydict & soubzigné notaire & tesmoings cy apres
nommez estre recordz de sondict present codicil, lesquelz
tesmoings il a bien cogneuz & nommés par leurs noms & lesquelz
tesmoings ont aussy cogneu ledict codicillant dont & dequoy ledict Maistre
Michel de Nostradamus codicillant a voleu acte en estre faict à
ceulx à qui de droict apartiendra par moydict & soubzsigné
notaire,
* Cet indice, codicil
ou eppitre, confirme à lui seul l'objet de cette introduction, à savoir
la volonté du prophète de Salon de faire de son Testament
la troisième et dernière épître de son oeuvre, et la clôture de son Livre.
{31} faict passé & publié audict Sallon & dans
la maison dudict codicillant ez presences de sieur Jehan
Allegret trezorier, Maistre Anthoine Paris docteur en medecine,
Jehan Giraud dict de Bessonne, Guilhen Heyraud app(othicquaire) & Maistre
Gervais Berard cirurgien dudict Sallon, tesmoings ad requis & appellés,
lesquelz codicillant & tesmoings jedict notaire ay requis soy signer suyvant
l'ordonnance du roy qui se sont soubzsignés excepté ledict
Giraud tesmoing qui a dict ne scavoyr escripre, ainsy signés à son premier
originel Maistre Nostradamus, Jehan Allegret, Gervais Berard, A. Paris,
Guilhen Heyraud tesmoings.
[Signature du notaire Roche]
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