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Avatars du Zodiaque astrologique
par Patrice Guinard

1. Les origines du zodiaque : le stade pré-zodiacal
2. Le zodiaque élémental et ses difficultés
3. Les zodiaques astronomiques
4. Le zodiaque réflexologique

Corrélations physiologiques: La Réflexologie de Pavlov (II)
Sémantique des Signes Zodiacaux (III)
L'archétype zodiacal quadripolaire (IV)



Cette étude, largement remaniée, recouvre les chapitres 7, 8, 9 et 10 de ma thèse de doctorat (1993).



1. LES ORIGINES DU ZODIAQUE : LE STADE PRÉ-ZODIACAL

"L'oeuf en boule d'Amma était clos : mais fait de quatre parties, dites 'clavicules', elles-mêmes ovoïdes, qui étaient unies, comme soudées les unes aux autres. Amma est quatre clavicules jointes ; il n'est que ces quatre clavicules."
(Marcel Griaule & Germaine Dieterlen, Le renard pâle)

Les habitants de la Mésopotamie n'ont pas été les premiers à observer les astres et à délimiter dans l'étendue céleste des portions de ciel, les constellations, répondant à certaines régularités et à certains rythmes, et occupées par des objets nommés étoiles. Les peuples du néolithique avaient leur astronomie, et probablement aussi ceux qui les ont précédés. Ce qui caractérise les Mésopotamiens, c'est qu'ils ont créé à partir de ces observations une astrologie assez proche de la nôtre, quoiqu'on dise, et qui nous a été, si mal que ce soit, sporadiquement transmise. Ce n'est pas le moment de traiter ici des multiples formes proto-astrologiques qui ont pu exister chez les peuples néo- et paléolithiques.

L'observation des étoiles et leur regroupement en constellations est attestée dès 2400 B.C. à Ebla (dans l'actuelle Syrie) : le lever de la constellation des Pléiades coïncidait à cette date avec l'équinoxe de printemps. Et vers 2000 B.C., plus à l'est, à Mari, le lever d'Arcturus marquait le début des moissons. Il existait une astronomie savante dès le début du premier empire akkadien, fondé par le sémite Sharrum-kîn (2334-2279), connu sous le nom de Sargon, et dont son petit-fils Narâm-Sîn (2254-2218), "l'Aimé de Sîn", c'est-à-dire du dieu Lune, sera l'héritier inspiré. Ces premières observations astronomiques enregistrées sont aussi attestées, pour le même XXIIIe siècle, par le néoplatonicien Simplicius au chapitre XI de son Commentaire sur le traité Du Ciel d'Aristote.

Les constellations stellaires servaient de repères calendaires pour les diverses activités de la vie sociale. Elles ont connu de nombreuses transformations, au fil des progrès de l'observation et aussi des rivalités entre écoles concurrentes. Une liste de constellations datant d'environ 1300 B.C., provenant de la cité hittite de Boghaz-Köi (dans l'actuelle Turquie), contient déjà presque toutes les constellations qui deviendront "zodiacales", à l'exception du Lion et de la Balance.

La sixième section de la première tablette de la série MUL APIN (le fameux traité babylonien d'uranographie et aussi le premier catalogue d'étoiles connu), dont le principal exemplaire, le BM 86378 (British Museum), daté de 687 B.C., est une copie d'une compilation antérieure de quelques décades, donne la liste de 16 ou 17 constellations parcourues par la Lune, et aussi par le Soleil et les autres planètes: MUL.MUL (les "étoiles-étoiles" en sumérien, ou les Pléiades, équivalentes à une partie de la constellation du Taureau), GUD.AN.NA (le Taureau céleste, équivalent à une partie plus méridionale de la constellation du Taureau), SIBA.ZI.AN.NA (le fidèle pasteur céleste, ou Orion), SHU.GI (le vieillard, équivalent à la constellation Perseus), GAM (le bâton brisé, ou Auriga), MASH.TAB.BA.GAL.GAL (les grands jumeaux, équivalents à la constellation des Gémeaux), AL.LUL (le crabe, ou le Cancer), UR.GU.LA (le chien géant, équivalent à la constellation du Lion), AB.SIN (l'épi d'orge, ou Spica, équivalent à la constellation de la Vierge), zi-ba-ni-tum (dont on remarque le nom akkadien et non plus sumérien, équivalent à la constellation de la Balance), GIR.TAB (le Scorpion), PA.BIL.SAG (équivalent à la constellation du Sagittaire), SHUHUR.MASH (le poisson-chèvre, équivalent à la constellation du Capricorne), GU.LA (le très grand ou le géant, équivalent à la constellation du Verseau), zibbâti SIM.MAH [et] A-nu-ni-tum (les queues de la grande hirondelle et du poisson, recouvrant la constellation des Poissons), LU.HUN.GA (le travailleur en louage ou le journalier, équivalent à la constellation du Bélier). [1]

On retrouve à ce stade pré-zodiacal les 12 signes-constellations du futur zodiaque, avec en plus les constellations des Pléiades (comprises dans le Taureau moderne), d'Orion, de Perseus, d'Auriga, et de "l'Hirondelle" (comprise dans les Poissons modernes). Les images et noms babyloniens des constellations zodiacales, à la seule exception du Bélier, seront repris par les astronomes Grecs. Ces stations lunaires, à l'origine des signes zodiacaux solaires, comprennent des constellations situées en-dehors de l'écliptique (en raison de l'inclinaison de l'orbite lunaire), lesquelles seront retranchées de l'organisation zodiacale future.

Une liste d'époque postérieure, néo-assyrienne (Berlin, Musée archéologique, VAT 7851), ne comprend plus que 14 constellations : Persée et Auriga ont disparu, et les queues ont été rassemblées sous une même constellation nommée DIL.GAN (la baleine).

L'apparition du zodiaque de 12 signes égaux a été datée du milieu du VIe siècle B.C. [2] Dans son récent ouvrage sur la naissance de l'astrologie en Mésopotamie, Giovanni Pettinato rapporte la découverte d'une tablette issue de la bibliothèque de Sippar, récemment exhumée par des archéologues irakiens : on y trouve, attesté aux alentours de 600 B.C., un zodiaque divisé en douze sections. [3] Les douze signes zodiacaux de 30 degrés chacun, délimités sur l'écliptique et sans référence aux constellations stellaires, sont clairement attestés dans une tablette datée de 419 B.C.. C'est donc aux VIe et Ve siècles que se sont mises en place les réformes de la conception babylonienne du ciel, astronomique et astrologique, dont les grecs, qui à la même époque ont inventé la métaphysique, furent les héritiers.

L'avènement du zodiaque ne correspond pas forcément à la mise en place des significations astrologiques attribuées plus tardivement aux douze signes zodiacaux, à une époque où les repères stellaires correspondront plus ou moins aux mois saisonniers. Comme le note pertinemment Florisoone : "Contrairement à ce qu'on pourrait penser, le zodiaque ne fut pas une invention d'inspiration exclusivement astrologique mais bien une des premières manifestations de l'esprit "scientifique" et de la naissance d'une véritable astronomie en Mésopotamie." [4]

L'invention du zodiaque est liée à celle d'un repérage écliptique, solaire, et non plus seulement lunaire [5] , et aussi à une harmonisation entre le calendrier, la géométrie et l'arithmétique. Pour Neugebauer, "Le zodiaque n'était en fait rien d'autre qu'une idéalisation mathématique nécessaire aux calculs et utilisée exclusivement dans ce but." [6] L'invention du zodiaque peut être considérée comme la "révolution cartésienne" de l'astronomie babylonienne qui se dote ainsi d'un nouveau système de repérage, et dont les prêtres-astronomes-astrologues babyloniens sauront tirer parti. La fonction pratique du zodiaque et sa définition en tant que bande parcourue par les planètes a été rendue possible parce que les babyloniens ne connaissaient pas les graves problèmes d'excentricité qui se poseront pour l'astrologie moderne avec l'introduction de Pluton.

On peut s'interroger sur les raisons de cette apparition tardive, alors que les connaissances astronomiques des babyloniens permettaient son introduction bien avant. Il semble que ce soit paradoxalement la puissance de la religion et des conceptions astrologiques de l'époque qui ont freiné cette innovation ! De plus, la nouvelle situation politique (chute de l'empire assyrien et de Ninive en 611 B.C., prise de Babylone par les Perses en 539 B.C.) a probablement permis une libération de la recherche de son emprise sacerdotale. On peut croire que l'invention du zodiaque a été l'oeuvre de chercheurs indépendants, éloignés des sphères du pouvoir sacerdotal.

Mais qu'est-ce qui justifie la division zodiacale en douze sections égales? Kepler en a souligné l'arbitraire, et contesté toute relation naturelle entre les Éléments (cf. infra) et les "triangles" formés par les signes zodiacaux. On invoque communément la synchronisation approximative du cycle lunaire dans l'année, ainsi que les facilités arithmétiques offertes par la division duodécimale du cercle de 360°, et il est vraisemblable qu'elles aient pu inciter les astronomes de l'époque à privilégier le nombre Douze. Cependant l'existence, beaucoup plus ancienne, des 12 mois du calendrier et celle des présages qui leur sont associés (et notamment dans la série de présages astrologiques ENÛMA ANU ENLIL - ou plus exactement ENÛMA ANU ENLIL EA -, mais encore dans d'autres textes comme la série "mensuelle" IQQUR ÎPUSH) a pu être un facteur décisif en la matière. C'est ainsi que même si les significations astrologiques ont été attribuées plus tardivement aux signes zodiacaux, une logique matricielle (et duodécimale) préexistait déjà longtemps avant l'introduction du zodiaque astronomique. Et la raison matricielle, tout autant que la "raison mathématique", aura présidé à la naissance du zodiaque. Le fait que les signes zodiacaux soient issus d'une sélection tardive parmi les constellations lunaires, disqualifie l'interprétation des signes à partir des mythes associés à ces constellations, d'ailleurs à des époques diverses. La matricialité de la structure zodiacale réclame que soit créée une sémantique homogène, indépendante de ces aléas culturels.



2. LE ZODIAQUE ÉLÉMENTAL ET SES DIFFICULTÉS

"Cette raison divine qui régit toute chose a voulu que les organismes terrestres dépendent des signes célestes." (Manilius, Astronomica, II 82-83)

On retrouve le zodiaque élémental dans un nombre incalculable de traités modernes de seconde main, qui encombrent la section "astrologie" des rayonnages des librairies généralistes ou spécialisées. Ce zodiaque dit "symbolique" organise les douze signes zodiacaux, portions égales d'une bande de la sphère céleste, centrée sur l'écliptique et d'une largeur d'environ 35 degrés en raison de l'inclinaison orbitale de Pluton, selon une double série, élémentale et modale. Ce zodiaque supposé "traditionnel" n'est jamais interrogé, et on ne s'enquiert pas d'en connaître les origines, ni de savoir par quels astrologues ou quelles écoles du passé, et pour quelles raisons, il a pu être utilisé.

L'univers symbolique des quatre éléments ne s'impose pas, par exemple, chez l'auteur du Tetrabiblos, et malgré une allusion à la théorie aristotélicienne des quatre, et même cinq éléments en incluant l'éther (Tetrabiblos, I.2), Ptolémée prend soin, lorsqu'il définit les associations triangulaires entre signes zodiacaux, de n'évoquer que la qualité masculine et féminine des signes, et non leurs associations élémentales. [7] De même Manilius, lequel pourtant multiplie à l'envi les critères de regroupement des signes zodiacaux, n'associe pas les Éléments à ses trigones zodiacaux, pas plus que Dorothée de Sidon ou que l'athénien Antiochos. Belle "tradition" en somme, qui n'existe nulle part ! D'ailleurs Bouché-Leclercq, qui se complaît à l'exposition cynique des inventions astrologiques frivoles, omet dans son Astrologie grecque de mentionner la théorie des éléments appliquée aux signes zodiacaux.

Vettius Valens, l'alexandrin d'origine syrienne, contemporain de Ptolémée, semble être le premier à faire mention de cette assimilation des trigones zodiacaux aux trigones élémentaux, encore que ce schéma n'implique pas chez cet auteur que la sémantique des signes zodiacaux en dépende. [8] Autrement dit, les signes zodiacaux restent définis par des caractéristiques héritées de la mythologie sans aucune relation avec les éléments.

On ignore, à ma connaissance, l'origine de cette assimilation, ainsi que l'association plus générale élements/quartes. Il se pourrait que ces modèles soient issus du creuset alexandrin, et que deux systèmes rivaux y aient été en concurrence, l'un "égyptien" l'autre "chaldéen" (pour cette question comme pour de nombreuses autres), associant dans un premier temps les éléments aux quartes zodiacales, d'après des considérations astro-météorologiques (EAU pluies, inondations, AIR tempêtes, FEU sécheresse, TERRE tremblements de terre) et d'après les variations climatiques saisonnières moyennes (humidité, chaleur, sécheresse, froideur) : autrement dit un système égyptien FEU-EAU-AIR-TERRE (marqué par un été pluvieux et par le débordement du Nil), qui aurait donné naissance au système "classique" par attribution de la qualité saisonnière au premier signe de la saison (Bélier Feu, Cancer Eau...) et généralisation par les trigones, et un système "babylonien" AIR-FEU-TERRE-EAU (marqué par un hiver pluvieux), qu'on retrouve chez Paul d'Alexandrie. [9]

Dans le zodiaque élémental devenu "classique", les douze signes se succèdent du Bélier aux Poissons, selon une double série élémentale (Feu, Terre, Air, Eau) et modale (cardinal, fixe, mutable). Ainsi au Bélier sont associés les attributs Feu et cardinal, au Taureau la Terre et la fixité, aux Gémeaux les attributs Air et mutable, au Cancer l'Eau et la cardinalité... Éléments et Modes se définissent par les qualités triviales suivantes:

FEU : combustion, expansion, animation.
TERRE : pesanteur, condensation, fixation.
AIR : diffusion, dilatation, imprégnation.
EAU : absorption, dissolution, fluidité.

CARDINAL : introduction.
FIXE : stabilisation.
MUTABLE : distribution.

Les attributions de valeurs élémentales et modales aux signes zodiacaux recoupent donc les regroupements tripartites et quadripartites qui leur seraient antérieurs: par exemple le "triangle" de Terre (Taureau, Vierge, Capricorne) ou la "croix" cardinale (Bélier, Cancer, Balance, Capricorne).

Dans ce dispositif, c'est l'attribution des Éléments aux quartes zodiacales et aux premiers signes des quartes, les "signes cardinaux", qui est retenue, et qui, par extension triangulaire, définit la qualité élémentale des deux autres signes en trigone. Le Feu printanier et Bélier s'étend aux Lion et Sagittaire ; l'Eau estivale et Cancer s'étend aux Scorpion et Poissons ; l'Air automnal et Balance s'étend aux Verseau et Gémeaux ; la Terre hivernale et Capricorne aux Taureau et Vierge. Ainsi, en suivant la logique du dispositif et des qualités élémentales, les signes zodiacaux s'opposent selon l'axe des équinoxes (Bélier/Poissons, Taureau/Verseau ...) et les quartes selon l'axe des solstices (FEU/EAU, AIR/TERRE), mais jamais par le centre.

Les quatre Éléments sont attestés dans la cosmologie égyptienne, bien antérieurement à leur intégration tardive dans le corpus astrologique, et ont été conceptualisés par les philosophes présocratiques. Chez Pythagore et ses disciples, ils figurent comme les symboles de la Tétrade ; chez Empédocle ils sont les protagonistes d'une cosmologie cyclique : incréés, "racines de toutes choses", pleins, immuables, éternels, matériels et doués de conscience, égaux entre eux et commandant les cycles temporels selon l'ordre fixé par le destin : "A tour de rôle au cours de la révolution, chacun [des éléments] l'emporte ; chacun en périssant se transforme en un autre et s'accroît de la part fixée par le destin. Ils sont donc seuls à avoir l'être, et dans leur course donc, par échanges mutuels, ils deviennent hommes et races d'animaux." [10]

Aux chapitres 6 et 7 du fameux traité De la nature de l'homme (avant 400 B.C.), attribué par les Grecs à Hippocrate ou à son beau-fils Polybe, bien que les éléments ne soient pas mentionnés, les qualités élémentales sont associées aux quatre saisons et aux quatre humeurs [11]:
 
Printemps Été Automne Hiver
Sang Bile jaune Bile noire Flegme
sanguin colérique mélancolique flegmatique
chaud et humide chaud et sec froid et sec froid et humide


Platon, dans son Timée, explique la nécessité de supposer l'existence de quatre éléments, et non seulement de trois, pour constituer le corps de l'Univers : "Si donc c'était une surface n'ayant aucune profondeur qu'eût dû devenir le corps de l'Univers, une seule médiété eût suffi pour relier les termes extrêmes et le moyen lui-même ; mais c'est de nature solide qu'il convenait qu'il fût ; or, les solides, ce n'est jamais une seule, mais toujours deux médiétés qu'il faut pour les harmoniser." [12]

Aristote insiste sur les valeurs climatiques des éléments et sur le principe de leur génération successive en un cycle réversible. [13] Cependant, si le cycle résulte d'une cosmologie naturaliste (de la terre au ciel, en passant par les couches hydro- et atmo-sphériques), comment expliquer le passage du Feu à la Terre, et par suite comment justifier la circularité ? De plus surgissent des difficultés lors de l'attribution d'une valeur élémentale à chacun des éléments. En effet, si le Feu est chaud et la Terre sèche, l'Air sera humide et l'Eau froide (solution d'Aristote), ou encore l'Eau sera humide et l'Air froid (solution du stoïcien Chrysippe). [14]

On échappe à ce dualisme en attribuant à chaque élément un principe positif spécifique : la chaleur reste le principe du Feu ; pour l'Eau, la fluidité (sa propriété physique) est préférable à l'humidité (plus dépendante de la météorologie) ; la solidité (ou la densité) sera le principe de la Terre ; la luminosité (ou la clarté, ou encore la transparence comme chez les Tibétains) sera le principe de l'Air.

Les astrologues, prisonniers des valeurs climatiques associées aux éléments, ont été amenés à surestimer le double principe chaleur / humidité prépondérant dans l'astrologie classique jusqu'à Cardan, Kepler et Morin. L'astrologue français Eustache Lenoble retient encore la chaleur et l'humidité comme les deux principes, respectivement masculin et féminin, qui déterminent la nature des Éléments : "Il y a deux principes de génération : la chaleur et l'humidité ; la chaleur est la qualité active, et l'humidité la passive." [15]

L'idée des deux principes générateurs est liée à une sexualisation des facteurs astrologiques (planètes et signes), à l'origine de toutes les équivoques quant à la compréhension de la Tétrade, laquelle se retrouve ainsi soumise à un dualisme qui lui est étranger. Or l'astrologie, intrinsèquement non dualiste, ne supporte pas une telle dichotomie. L'aporie dualiste peut être résolue de la manière suivante : si les signes "printaniers" ou "FEU" (pour s'en tenir à un modèle saisonnier, solaire, du zodiaque élémental) sont masculins et les signes "estivaux" ou "EAU" sont féminins, les signes "automnaux" ou "AIR" seront des signes hermaphrodites et les signes "hivernaux" ou "TERRE" des signes asexués.

Il n'y a pas deux sexes psychiques en astrologie, mais quatre, quatre sexes psychiques-astraux, c'est-à-dire quatre modes de sensibilité attractive. Les printaniers attirent les hivernaux, et réciproquement ; les estivaux séduisent les automnaux, et vice versa, selon l'axe équinoxial. Ainsi les attractions ne se font pas entre masculins et féminins, et entre hermaphrodites et asexués, mais entre masculins et asexués, et entre féminins et hermaphrodites. Les conséquences psychologiques de ce dispositif sont importantes : le féminin ne peut aimer que ce qui recèle une part de féminité ; le masculin n'a besoin ni de féminité ni de virilité, mais privilégie un terrain neutre.

Deux systèmes élémentaux incompatibles ont été en concurrence dans les milieux astrologiques hellénistiques, tous deux rattachés au zodiaque saisonnier: le système "égyptien", stoïcien, symbolique (FEU-CHAUD, EAU-HUMIDE, AIR-FROID, TERRE-SEC), et le système "mésopotamien", aristotélicien (néo-hippocratique), physique (AIR-HUMIDE, FEU-CHAUD, TERRE-SEC, EAU-FROID). L'organisation stoïcienne me paraît plus conforme à la nature des Éléments qui ne sont que des symboles. Aussi on conservera le repérage élémental à condition de le comprendre comme un parangon symbolique de la Tétrade. Les Éléments sont les symboles des quatre états de la matière (solide, liquide, gazeux, igné), c'est-à-dire des images matérielles de la Tétrade.
 
Symboles élémentaux FEU EAU AIR TERRE
Signes cardinaux Bélier Cancer Balance Capricorne
Qualités climatiques (Chrysippe) Chaud Humide Froid Sec
Saisons Printemps Eté Automne Hiver
États de la matière Igné Liquide Gazeux Solide
Principes matériels Chaleur Fluidité Clarté Densité
Sexes psychiques Masculin Féminin Hermaphrodite Asexué



3. LES ZODIAQUES ASTRONOMIQUES

"Demain, l'Homme aura reconnu en toute chose la nécessité des Saisons, de leurs Solstices et de leurs Équinoxes. Mais les Saisons ne se feront plus sans lui." (André Faussurier, 1967)

Diverses tentatives contemporaines ont cherché à reconstruire le zodiaque d'après des critères plus rigoureux. Le zodiaque ptoléméen, comme d'ailleurs son planétaire, fondés sur des critères climatologiques, se sont avérés incapables, à la longue, de justifier les différenciations zodiacale et planétaire. [16]

Le zodiaque a initialement été imaginé pour servir de repère astrométrique. L'inclinaison du plan de rotation de la Terre autour de son axe par rapport à son plan de révolution autour du soleil est sa réalité fondatrice. Un angle de 23°26' sépare le plan de l'équateur céleste et le plan de l'écliptique. Leurs intersections Est et Ouest marquent le point vernal (0° du Bélier) et son opposé (0° de la Balance). Les points solsticiaux (0° du Cancer et 0° du Capricorne) marquent l'éloignement maximal, Nord et Sud, du soleil par rapport au plan équatorial. Chacune des quatre portions ainsi définies est ensuite divisée en trois parties égales sur l'écliptique. Les douze signes zodiacaux en résultent. La bande zodiacale est une extension de part et d'autre de l'écliptique, c'est-à-dire du cercle de la sphère céleste parcouru par le Soleil dans sa révolution apparente autour de la terre. Elle a été imaginée afin de prendre en compte la latitude des planètes, et leurs écarts par rapport à l'écliptique.

Le Zodiaque ainsi défini est une réalité solaire, ou plutôt hélio-centrée. Chaque signe pourrait ainsi être défini comme le moment spécifique du parcours d'une planète donnée, projeté sur l'écliptique et mesuré par sa déclinaison, c'est-à-dire par sa hauteur par rapport au plan de l'équateur céleste. Cette déclinaison est nulle au début du Bélier et de la Balance, et maximale au début du Cancer et du Capricorne.

De 0° Bélier à 30° Gémeaux, augmentation de la déclinaison qui est positive (Nord).
De 0° Cancer à 30° Vierge, diminution de la déclinaison qui reste positive (Nord).
De 0° Balance à 30° Sagittaire, diminution de la déclinaison qui devient négative (Sud).
De 0° Capricorne à 30° Poissons, augmentation de la déclinaison qui reste négative (Sud).

La sinusoïde qui suit illustre les quatre phases d'un zodiaque des déclinaisons annuelles du Soleil. [17]
 

in Patrice Guinard, L'astrologie, TH D, 1993, p.31

Les déclinaisons des signes équinoxiaux (Bélier, Vierge, Balance, Poissons) varient fortement (de 11°28'), celles des signes médians (Taureau, Lion, Scorpion, Verseau) varient un peu moins (de 8°42'), celles des signes solsticiaux (Gémeaux, Cancer, Sagittaire, Capricorne) faiblement (de 3°16'). Ce zodiaque est universel, quelle que soit la latitude du lieu, en hémisphère Nord comme en hémisphère Sud. Il est préférable au zodiaque solaire saisonnier (dont la sémantique est étroitement dépendante du cycle des saisons), et légitime la pratique des astrologues argentins ou australiens, lesquels, en général, n'inversent pas les signes zodiacaux. [18]

Pour chaque planète, on pourrait imaginer un zodiaque semblable, aux phases déterminées par la variation des déclinaisons, avec le 0° Bélier et son point opposé définis par les noeuds planétaires.

On retrouve chez Didacus Placidus l'idée d'une quadripartition du cycle zodiacal conjugant les principes d'augmentation/diminution et de proximité/éloignement de la lumière (Tabulae Primi Mobilis, Padoue, Pauli Frambotti, 1657). "There is a formation of four conjugations of the manner of starry influence, viz. in the luminary's increase and near situation; in its near situation and decrease; in its decrease and distance; and in its distance and increase. By these conjugations are constituted four quarters." (Placidus de Titis, thèse 23 du Primum mobile, trad. angl. John Cooper, London, 1814; Bromley (Kent), Institute for the Study of Cycles in World Affairs, 1983, p.9) ; et dans la traduction de Claudine Besset-Lamoine: "La force influentielle des étoiles se conjugue selon quatre modes, c'est à dire l'augmentation de l'influx lumineux et sa proximité, sa proximité et sa diminution, sa diminution et son éloignement, son éloignement et son augmentation. Ces combinaisons constituent quatre quartes" (Primum mobile, Paris, FDAF, 1998, p.12).

De 0° Bélier à 30° Gémeaux, augmentation de l'influx lumineux et proximité.
De 0° Cancer à 30° Vierge, diminution de l'influx lumineux et proximité.
De 0° Balance à 30° Sagittaire, diminution de l'influx lumineux et éloignement.
De 0° Capricorne à 30° Poissons, augmentation de l'influx lumineux et éloignement.

La quadripartition d'un zodiaque naturel et solaire, en rapport avec le lieu d'observation, n'était pas ignorée des Grecs : l'astronome Géminos de Rhodes note, deux siècles avant Ptolémée, que la différence de durée entre les jours et les nuits est positive pour six signes, négative pour les six autres, qu'il y a augmentation de la durée du jour pour six signes et diminution pour les six autres : "De plus, l'augmentation des jours et des nuits n'est pas égale dans tous les signes. Aux environs des points solsticiaux, elle est très faible. (...) Au moment des équinoxes en revanche, l'augmentation des jours est importante." [19]

Ce schéma peut se généraliser à l'ensemble des planètes, et chaque zodiaque local organise les signes selon les variations annuelles des arcs diurne et nocturne de la planète considérée. Ainsi, à un moment donné et pour une latitude géographique donnée, pour chaque planète, il existe un rapport spécifique entre la durée de son arc diurne (sa durée de présence au-dessus de l'horizon) et la durée de son arc nocturne (sa durée de présence au-dessous de l'horizon). Ainsi, à Paris, le Soleil a un arc diurne d'environ 12 heures le 20 mars, d'environ 16 heures le 22 juin, de 12 heures le 23 septembre et de 8 heures le 21 décembre, date à laquelle l'arc diurne reprend le dessus sur l'arc nocturne et que les Romains célébraient comme la fête du soleil invincible (Sol invictus).

Aux équinoxes les arcs diurne et nocturne solaires s'égalisent, au solstice estival l'arc diurne atteint son maximum et au solstice hivernal son minimum. La sinusoïde qui suit illustre les quatre phases d'un zodiaque fondé sur les différences annuelles de durée entre les arcs diurne et nocturne du soleil à Paris.
 

in Patrice Guinard, L'astrologie, TH D, 1993, p.32

De 0° Bélier à 30° Gémeaux, croissance de l'arc diurne dominant.
De 0° Cancer à 30° Vierge, décroissance de l'arc diurne dominant.
De 0° Balance à 30° Sagittaire, décroissance de l'arc diurne récessif.
De 0° Capricorne à 30° Poissons, croissance de l'arc diurne récessif.

Ce zodiaque local peut être appelé "photo-périodique" (Nicola) en référence à la présence ou à l'absence de la source lumineuse planétaire au-dessus ou en-dessous de l'horizon. La lumière, solaire et directe, ou planétaire et réfractée, est le critère retenu en raison de sa régularité, contrairement à l'inconsistance des critères de nature météorologique, comme la chaleur. [20] Les viscissitudes de l'astrologie "classique" proviennent justement de sa servitude à la climatologie, à commencer par Ptolémée, et Kepler lui-même n'a pas réussi à y changer grand chose. En réalité la lumière n'est que le témoin repérable, la trace visible, d'une source agissante qui demeure à ce jour insaisissable par la mesure expérimentale. "La lumière, partie évidente du spectre solaire, ne sera que l'échelon visible d'influences plus vastes dont elle signale les périodicités." [21]

A l'instar du zodiaque des déclinaisons, le zodiaque local s'adapte à chaque planète et varie en fonction de l'inclinaison du plan de révolution de cette planète autour du soleil. Ainsi l'arc diurne d'une planète peut s'effectuer la nuit (pendant l'arc diurne solaire). Les zodiaques de chaque planète se superposent dans le thème, qui unit, par exemple, un hivernal par le soleil à un "estival" par Uranus. Les zodiaques planétaires locaux sont des modulations topocentriques des zodiaques des déclinaisons.



4. LE ZODIAQUE RÉFLEXOLOGIQUE

"L'homme possède un Ciel particulier à lui, qui est comme celui du dehors et possède la même constellation. C'est le Ciel intérieur avec ses planètes qui agit : le Ciel externe ne fait que démontrer et indiquer le ciel interne."
(Paracelse, Colica)

Le zodiaque obéit à une dynamique générale qu'épouse tout processus, qu'il soit biologique ou culturel : la génération et l'expansion d'un élan premier, suivi d'une phase de repliement et de résistance, puis d'un équilibre, auquel succède une période d'assainissement et de cristallisation. Ces quatre phases successives se retrouvent dans l'art, la pensée ou la littérature, en géologie ou en embryologie. [22]

Les zodiaques astronomiques admettent une même ossature : une différenciation selon quatre phases distinctes (équivalentes aux saisons dans le cycle solaire annuel) et selon trois modalités quantitatives (avec un écart maximal pour les signes solsticiaux et un écart minimal pour les signes équinoxiaux). Le zodiaque réflexologique, imaginé par l'astrologue Nicola à partir des travaux de Pavlov [23] , témoigne de l'intégration temporelle et de la cristallisation structurelle par le système nerveux des différences de déclinaisons et des rapports de durée des arcs diurnes et nocturnes des zodiaques astronomiques, externes.

Les processus physiologiques mis en évidence par le savant russe se redéfinissent comme les phases distinctes d'un processus cyclique. Non que la physiologie soit au fondement de l'astrologie : ce serait plutôt l'astrologie, en tant qu'elle nécessite comme hypothèse initiale l'intégration biologique des rythmes planétaires et leur cristallisation progressive par le retour cyclique de phases spécifiques [24] , qui serait susceptible de proposer un modèle à la variabilité physiologique et à l'existence des différents types nerveux, expérimentalement observés.

Les douze types de systèmes nerveux ordonnés d'après la variabilité de l'excitabilité selon ses quatre formes et sous ses trois phases successives, sont isomorphes au cycle zodiacal des douze signes, organisés en quartes zodiacales selon les trois moments successifs de ces quartes.

L'arc diurne d'une planète est un signal spécifique de l'excitation ou de l'activation, l'arc nocturne de l'inhibition. Autrement dit l'arc diurne est un excitant positif, et l'arc nocturne un excitant négatif. Une différence de durée positive entre les arcs diurne et nocturne favorise le processus d'excitation, une différence négative le processus d'inhibition. (De même une déclinaison planétaire positive est excitatrice, une déclinaison négative, Sud, est inhibitrice).

Par ailleurs, la croissance (ou augmentation de durée) du rapport entre les arcs diurne et nocturne, implique une augmentation de durée de l'excitant, et donc une plus grande célérité des réponses. A l'inverse sa décroissance implique une plus grande inertie. (De même une augmentation de la déclinaison planétaire favorise la vitesse des processus, une diminution la lenteur des processus).

Ainsi les quatre phases du cycle astronomique naturel ont chacune leur répondant neuro-physiologique :

Bélier, Taureau, Gémeaux => VITESSE D'EXCITATION
- Différence de durée positive entre les arcs diurne et nocturne (et déclinaison planétaire positive) => EXCITATION
- Croissance (ou augmentation de durée) du rapport entre les arcs diurne et nocturne (et augmentation de la déclinaison planétaire) => VITESSE

Cancer, Lion, Vierge => LENTEUR D'EXCITATION
- Différence de durée positive entre les arcs diurne et nocturne (et déclinaison planétaire positive) => EXCITATION
- Décroissance (ou diminution de durée) du rapport entre les arcs diurne et nocturne (et diminution de la déclinaison planétaire) => LENTEUR

Balance, Scorpion, Sagittaire => LENTEUR D'INHIBITION
- Différence de durée négative entre les arcs diurne et nocturne (et déclinaison planétaire négative) => INHIBITION
- Décroissance (ou diminution de durée) du rapport entre les arcs diurne et nocturne (et diminution de la déclinaison planétaire) => LENTEUR

Capricorne, Verseau, Poissons => VITESSE D'INHIBITION
- Différence de durée négative entre les arcs diurne et nocturne (et déclinaison planétaire négative) => INHIBITION
- Croissance (ou augmentation de durée) du rapport entre les arcs diurne et nocturne (et augmentation de la déclinaison planétaire) => VITESSE

Pour s'en tenir à un zodiaque solaire : au printemps, les jours sont plus longs que les nuits et ils augmentent encore (VITESSE D'EXCITATION) ; en été ils sont toujours plus longs que les nuits mais ils diminuent (LENTEUR D'EXCITATION) ; en automne ils sont plus courts que les nuits et ils diminuent encore (LENTEUR D'INHIBITION) ; en hiver ils sont toujours plus courts que les nuits mais ils augmentent (VITESSE D'INHIBITION).

Globalement, au printemps et en automne, la croissance de l'arc (diurne ou nocturne) dominant, c'est-à-dire l'augmentation en durée de l'excitant positif ou négatif, implique une amplification du processus d'excitation (naturelle ou temporelle) et le développement des trois phases pavloviennes d'irradiation qui lui sont liées. La décroissance, en été et en hiver, de l'arc dominant induit une amplification du processus d'inhibition (protectrice ou extinctive) et le développement d'une irradiation inversée.

Les signes équinoxiaux admettent un rapport de durée minimal entre les arcs, et les signes solsticiaux un rapport de durée maximal. L'excitation évolue de l'équinoxial au solsticial, autrement dit elle s'élargit, elle irradie véritablement. A l'inverse l'inhibition, protectrice ou extinctive, se rétrécit et se resserre en passant du solsticial à l'équinoxial, ce qui est conforme à sa nature. [25]

Le regroupement des signes équinoxiaux, solsticiaux et médians d'après le rapport de durée des arcs introduit au sein de chaque processus une nouvelle différenciation.

Les signes ÉQUINOXIAUX ont une déclinaison faible (et un faible rapport de durée entre les arcs) => POLARISATION (phase égalitaire).
Les signes MÉDIANS ont une déclinaison moyenne (et un rapport moyen de durée entre les arcs) => COMPOSITION (phase paradoxale).
Les signes SOLSTICIAUX ont une forte déclinaison (et un rapport de durée maximal entre les arcs) => TOTALISATION (phase ultra-paradoxale).

Par ailleurs il résulte de la concentration du processus au milieu de chaque phase (c'est-à-dire au niveau des signes médians) un phénomène d'induction, autrement dit l'apparition d'une zone périphérique d'inhibition (ou d'excitation) autour du noyau concentré d'excitation (ou d'inhibition), qui est, à ma connaissance, la seule "justification", de nature neuro-physiologique, d'une division ternaire des quartes zodiacales. En effet les astrologues sont généralement incapables de justifier la division duodécimale du zodiaque. Pourquoi pas quatre signes seulement, ou huit, ou encore n'importe quel autre des multiples de quatre ? Seule l'analogie physiologique est susceptible de fournir un début d'explication compréhensive au déroulement du cycle zodiacal en douze phases successives. On sait que Kepler, qui avait besoin de garanties, mais dans l'ignorance de ce garde-fou, a préféré évacuer le zodiaque astrologique avec "l'eau du bain".

On obtient les corrélations physiologiques suivantes, applicables au douze signes zodiacaux :
Chaque signe zodiacal est défini par une forme d'excitabilité et par un principe illustrant sa phase d'irradiation. La qualité des processus d'excitation et d'inhibition se rapporte au signal astronomique dans son ensemble (à l'écart moyen entre les arcs diurne et nocturne) ; les phases traduisent une certaine évolution du processus (un rapport spécifique entre les durées respectives des arcs). Ce canevas physiologique légitime dans l'ensemble les significations attribuées empiriquement aux signes zodiacaux. Le zodiaque réflexologique autorise la mise en place d'une physio-sémiologie zodiacale qui subsume les divers strates sémantiques mises en place au cours de son histoire.

En effet la sémantique zodiacale de l'astrologie contemporaine est redevable à l'un ou l'autre de ces quatre "modèles" culturels, tous caducs :

- Le zodiaque mythologique, qui n'a pas de sens car les noms et les mythes attribués aux constellations zodiacales ont été mis en place bien avant l'existence même du zodiaque, et dans un contexte nécessairement "a-zodiacal".

- Le zodiaque figuratif, dont les significations dépendent du tracé des figures des constellations et de leurs emblèmes, en étroite dépendance au premier, et préconisé par les franges les plus ignares et superstitieuses du milieu astrologique.

- Le zodiaque élémental, péniblement et tardivement élaboré, aux associations connexes rapportées, de nature météorologique ou climatique, qui n'a jamais pu déboucher sur un système cohérent (cf. supra).

- Le zodiaque saisonnier, parfois étroitement lié au précédent, mettant en avant de vagues associations liées au cycle solaire, et qui n'a strictement aucun sens pour les autres planètes du système solaire.

Le dispositif que je préconise diffère sensiblement de celui imaginé en 1965 par l'astrologue Nicola. [26] Sa lecture, partielle, de Pavlov l'a conduit à établir des correspondances différentes. J'ai relevé dans certains textes de cet auteur, original par ailleurs, un certain nombre de bévues qui grèvent son dispositif et qui, par conséquent, pèsent lourdement sur l'interprétation à donner aux signes zodiacaux.

1. Nicola ignore les quatre modes d'excitation conditionnelle, tous "associatifs", et notamment le réflexe de trace et le réflexe temporel, observés par Pavlov dans ses Leçons : "Pavlov n'a pas poussé sa pensée jusqu'à distinguer nommément quatre fonctions d'excitation." [27] Mais si justement ! [28]

2. Nicola dissocie dans ses analyses les arcs planétaires diurnes et nocturnes comme s'il ne s'agissait pas d'un même processus. Il en résulte une séparation factice entre un pôle dit "fort" et un pôle dit "faible" dans l'analyse du signe, selon la prise en considération d'un arc ou de l'autre. Or la "faiblesse" n'est pas due à un prétendu "pôle récessif" du signe, assimilé au "pôle dominant" du signe complémentaire, mais à l'exacerbation de la seule et unique forme d'excitabilité propre au signe considéré. Si bien qu'un Gémeaux "faible" n'est pas en inertie d'inhibition, à l'instar d'un Poissons, mais en excès d'excitation, ce qui autorise la possibilité d'une adaptation créative selon les possibilités offertes par l'environnement. Il n'y a pas de faiblesse en soi - Proust selon Nicola [29] - mais une inadaptation, ou parfois une "sur-adaptation" aux conditions de l'environnement.

3. Nicola sépare dans ses descriptions la mobilité des processus et les différentes formes de réflexe conditionnel sans s'apercevoir qu'il s'agit des deux faces d'une même réalité. Il ne comprend pas que l'excitation naturelle et la vitesse d'excitation sont un seul et même phénomène, tout comme l'inhibition protectrice et la lenteur d'excitation, l'excitation temporelle et la lenteur d'inhibition, l'inhibition extinctive et la vitesse d'inhibition. Là encore la dualisation des matériaux réflexologiques conduit à une complexification superfétatoire des outils analytiques.

4. Enfin et surtout, Nicola a tendance à identifier la mobilité des processus avec ce qu'il appelle leur "force", d'où sa confusion entre la vitesse et la lenteur d'inhibition pour les quartes automnale et hivernale. Les équinoxes permutent l'excitation en inhibition, et les solstices transforment la vitesse en lenteur, comme il apparaît sur les courbes des zodiaques astronomiques (cf. supra). Comment "l'inhibé vif" de Nicola (qui a la capacité de se rétracter rapidement) pourrait-il être marqué par un mode de l'excitation ? Comment "l'inhibé lent", supposé hivernal, pourrait-il s'affubler d'inhibition extinctive? Il faut bien que l'inhibition lente soit en rapport avec une fonction d'excitation, l'excitation temporelle des automnaux, et que l'inhibition rapide soit en rapport avec une fonction d'inhibition. Nicola rapproche avec raison la vitesse d'inhibition et la fonction jungienne de "Pensée", et la lenteur d'inhibition de la fonction "Intuition", ce qui le contraint, d'après ses correspondances, à faire des Balance, Scorpion et Sagittaire des "penseurs" et des hivernaux des intuitifs, ce qui va à l'encontre de l'observation astrologique la plus triviale. [30]



[1]  Cf. Hermann Hunger & David Pingree, MUL.APIN. An astronomical compendium in cuneiform, Horn (Autriche), Archiv für Orientforschung 24, 1989, p.144 ; et aussi Bartel van der Waerden, Science Awakening II: the Birth of Astronomy, 1965; English rev. ed., Leyden, Noordhoff, 1974, p.80. « Texte

[2]  Franz Boll, Sphaera, Leipzig, Teubner, 1903, p.186. « Texte

[3]  Cf. Giovanni Pettinato, La scrittura celeste (La nascita dell'astrologia in Mesopotamia), Milano, Arnoldo Mondadori, 1998, p.96, et le compte-rendu de Walid Al-Jadir, "Une bibliothèque et ses tablettes", in Archeologia, 224, 1987. En réalité cette tablette publiée par Wayne Horowitz et F. N. H. Al-Rawi (in Iraq, vol. 63, 2001) concerne des étoiles proches du zénith, ziqpu, et non les signes zodiacaux. Merci à Hermann Hunger pour cette précieuse mise au point (courrier du 18 fev. 2002). « Texte

[4]  André Florisoone, "Les origines chaldéennes du zodiaque", Ciel et Terre, 66, 1950, p.263. « Texte

[5]  Cf. mon texte sur les rois antédiluviens. « Texte

[6]  Otto Neugebauer, Les Sciences exactes dans l'Antiquité, New York, Dover, 1957; trad. franç. Pierre Souffrin, Actes Sud, 1990, p.137. « Texte

[7]  Cf. Ptolemy, Tetrabiblos, I 18, ed-tr. Frank Robbins, London, William Heinemann, 1940 ; 1956, p.82-87. « Texte

[8]  Cf. Vettius Valens, The Anthology (Book I), trad. Robert Schmidt, Berkeley Springs, Golden Hind Press, 1993, p.7-17 (I. 2) et The Anthology (Book II, Part 1), 1994, p.1-2 (II. 1). « Texte

[9]  Pour un autre scénario possible, cf. mon texte sur les Huit Maisons (note 21) et le cercle des éléments et valeurs élémentales. « Texte

[10]  Empédocle, in Les Présocratiques, ed. Jean-Paul Dumont, Paris, Gallimard, 1988, p.385. « Texte

[11]  Cf. Raymond Klibansky, Erwin Panofsky & Fritz Saxl, Saturne et la mélancolie, London, 1964, trad. franç., Paris, Gallimard, 1989. « Texte

[12]  Platon, in Oeuvres complètes, trad. franç. Léon Robin, Paris, Gallimard, 1950, p.447. « Texte

[13]  Ptolémée qui attribue l'humidité au printemps, la chaleur à l'été, la sécheresse à l'automne et la froideur à l'hiver, suivrait le schéma élémental "babylonien" (Air-Feu-Terre-Eau) et les attributions aristotéliciennes. (Cf. Ptolemy, Tetrabiblos, ed-tr. Frank Robbins, London, William Heinemann, 1940 ; 1956, p.59). « Texte

[14]  Cf. Aristote, De la génération et de la corruption (II 3), éd-tr. Charles Mugler, Paris, Belles Lettres, 1966, et Émile Bréhier, Chrysippe et l'ancien stoïcisme, Paris, P.U.F., 1951. « Texte

[15]  Eustache Lenoble, Uranie, ou les Tableaux des Philosophes, 1694-1697 ; in Les Oeuvres de Mr Le Noble, Tome XVII, Paris, Pierre Ribou, 1718, p.212; rééd. partielle CURA, 2001. « Texte

[16]  Sur les propriétés météorologiques des signes zodiacaux, cf. Ptolémée, II 12 (éd. Alleau), ou Ptolemy, Tetrabiblos, II 11, ed-tr. Frank Robbins, London, William Heinemann, 1940 ; 1956, p.200-205. « Texte

[17]  On trouve ce schéma par exemple chez Wilhelm Hartmann & Friedrich Sieggrün, Die Hamburger Astrologenschuhle, Leipzig, [~1925], p.7. « Texte

[18]  Cf. par exemple Darrelyn Gunzburg (dir.): Under Capricorn (An anthology of Australian astrology), Welland, Federation of Australian Astrologers, 1989, et José Garaña, Caracteres y destinos segun la astrología magistral, Buenos Aires, Kier, 1946.
Par ailleurs, l'inversion des signes zodiacaux en hémisphère Sud se heurte à une aporie insurmontable : quelle serait la latitude (le plan équatorial?) au-delà de laquelle les signes s'inverseraient? Et dans le cas d'une naissance exacte sur ce plan limite, quels signes adopter? Comment justifier alors une telle rupture? « Texte


[19]  Géminos, Introduction aux phénomènes, VI 29-33, éd-tr. Germaine Aujac, Paris, Belles Lettres, 1975. « Texte

[20]  Le zodiaque local des arcs diurnes et nocturnes n'évacue pas le problème des thèmes dressés pour des naissances dans l'hémisphère Sud, ou exactement à l'équateur. En effet à 4000 mètres d'altitude, dans la capitale bolivienne de La Paz, c'est, au mois d'août, le plein hiver, rude et glacial. Si l'interprétation astrologique d'après le zodiaque solaire saisonnier devient caduque, il reste à justifier l'inversion des effets des valeurs positive ou négative des arcs sous l'équateur. Les astrologues de la Renaissance se posaient déjà le problème, comme Christopher Heydon, ou encore le mexicain Enrico Martínez (~1555-1632) qui s'interroge sur l'application du zodiaque solaire saisonnier aux régions australes, du fait de l'inversion des saisons dans l'hémisphère Sud (in Repertorio de los tiempos, México, 1606, p.24-25). « Texte

[21]  Jean-Pierre Nicola, La condition solaire, Paris, Éditions Traditionnelles, 1965; 1976, p.38. « Texte

[22]  Cf. par exemple, la répartition catégorielle des auteurs grecs dans l'ouvrage de Philippe Brunet, professeur de grec à l'université de Tours et lecteur de mes "Décades philosophales": in La Naissance de la littérature dans la Grèce ancienne, Paris, Librairie Générale Française (Livre de Poche), 1997, p.192. « Texte

[23]  Cf. mes Corrélations physiologiques (Janv. 2002). « Texte

[24]  Cf. la suite de ma thèse : "Le thème natal". « Texte

[25]  Le regroupement ternaire des signes zodiacaux (équinoxiaux, médians, solsticiaux) complète et éclaire leur regroupement ternaire classique (cardinaux, fixes, mutables) : en effet ce sont bien les signes cardinaux qui "introduisent" les quartes et les formes d'excitabilité qui leur sont liées. « Texte

[26]  Qu'on compare avec le canevas de Nicola (in Pour une astrologie moderne, Paris, Le Seuil, 1977, p.121-122) : Lion "excitation déblocage", signes automnaux "excitation associative, vitesse d'inhibition", signes hivernaux "lenteur d'inhibition". « Texte

[27]  Jean-Pierre Nicola, La condition solaire, [Op. cit.], p.47. « Texte

[28]  L'étonnant n'est pas tant l'ignorance de Nicola pour des textes, il est vrai, assez peu accessibles pour qui ne fréquente pas les bibliothèques de recherche, ni son obstination à refuser d'en prendre connaissance malgré plusieurs rappels de ma part, ni même le piètre intérêt pour la recherche argumentée et l'absence de probité intellectuelle, communes dans les milieux astrologiques, de quelques centaines d'ouailles formées au jargon conditionaliste depuis trente ans, mais leur désintérêt pour la réflexologie elle-même, autrement dit pour des matériaux ayant pour vocation de questionner au moins le "conditionalisme" (si ce n'est l'astrologie), si tant est que ce modèle zodiacal puisse accéder à un quelconque avenir. « Texte

[29]  "Type inadapté du Cancer, marqué également par l'égocentrisme, la rumination du passé, l'activité différenciatrice coupée du réel objectif, le style surimpressionniste, la stéréotypie." (in La condition solaire, [Op. cit.], p.121). Tout un programme d'exégèse du Temps perdu en somme !... « Texte

[30]  L'astrologue qui, en 1970, dans une publication de l'association américaine ISAR, à l'époque francophile, déclare avoir "assez de mal à distinguer une franche démarcation entre le rationnel et l'irrationnel et à isoler leurs fonctions" (Jeane [sic] Pierre Nicola, "Puzzles et modèles d'une recherche", in The Journal of Astrological Studies, 1, 1970, p.237), est en fait piégé par la typologie jungienne qui oppose la Pensée au Sentiment et l'Intuition à la Sensation, selon une symétrie centrale, dont il reproduit les oppositions par une symétrie axiale. Mais rien ne permet d'affirmer que la quadripartition jungienne soit fondée, autrement que par l'idiosyncrasie de son auteur : cf. mon Analyse comparative de diverses typologies 'para-astrologiques'. « Texte
 

Patrice Guinard: Avatars du zodiaque astrologique
(version 2.3 : 15-02-2017)
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